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Repères › Santé

Léonora Tréhel : « Accès aux soins égal pour tous »

Les mutuelles ne pourront plus longtemps servir de palliatif à la Sécurité sociale. Près de 4 millions de nos concitoyens ne peuvent plus se payer de complémentaire santé et la logique de marché privilégie l’assurantiel privé, aggravant les inégalités. Mais nous pouvons retrouver une protection sociale universelle et solidaire. Entretien avec Léonora Tréhel, Présidente de La Mutuelle familiale.

Notre système de santé est un des meilleurs du monde,et pourtant son accès n’a jamais été aussi inégalitaire. Pourquoi un tel paradoxe ?


Léonora Tréhel : Nous sommes dans cette situation parce que les tarifs de remboursement des régimes obligatoires d’assurance maladie se sont progressivement déconnectés du coût réel des actes et des soins. C’est flagrant en optique ou en dentaire, c’est aussi le cas pour les consultations du fait, des dépassements d’honoraires qui représentent plus de deux milliards et demi d’euros. En moyenne, les régimes de base ne couvrent plus que 50 % des soins de médecine courante. Cette déconnexion augmente donc les restes à charge et aggrave en conséquence les difficultés d’accès. Elle a aussi ouvert la porte du marché de la santé et à ses corollaires que sont la concurrence et les dérives vers l’assurantiel privé. Donc, sans une couverture complémentaire, on ne peut plus se soigner correctement.

 Les régimes complémentaires mutualistes et solidaires peuvent-ils alors encore assurer leurs missions et couvrir le reste à charge des assurés ?

Léonora Tréhel : Le vrai problème reste aujourd’hui celui des missions de l’assurance maladie en lien avec l’organisation de notre système de santé. Chaque désengagement de la Sécurité sociale et de son assurance maladie augmente le reste à charge de l’assuré et donc le coût de la mutuelle au point de devenir prohibitif. Cette spirale est sans issue, sauf à instaurer une véritable coopération entre les régimes de base et complémentaire non lucratif, avec pour seul objectif de permettre un égal accès aux soins et à la prévention pour toute la population. Cela implique l’existence d’une assurance maladie couvrant le mieux possible les besoins de santé et de prévention des personnes, prenant en compte les risques de notre temps ainsi que les progrès thérapeutiques et technologiques. Oui, il faut que la Sécurité sociale se réforme. Mais se réformer ne signifie surtout pas remettre en cause ses fondements que sont l’universalité et la solidarité. Tout doit être entrepris pour tendre vers ce seul objectif : chacun paie en fonction de ses moyens et reçoit selon ses besoins.

Le troisième niveau de protection vanté par les assurances privées, pour certaines même avec le label « mutualiste », est-il une nécessité ou une dérive ?

Léonora Tréhel : Un troisième niveau de couverture santé ouvre la voie à de nouvelles inégalités, car seuls ceux qui en auront les moyens pourront y recourir. C’est la segmentation des droits et des paniers de soins qui fait le lit de la surcomplémentaire et renvoie chacun à des solutions palliatives destinées à « solvabiliser » les dépenses non prises en charge.
Au lieu de répondre aux nouveaux défis de la santé qui sont ceux de notre époque, et d’agir par exemple sur les ressources et les missions de l’assurance maladie, on renvoie à des solutions assurancielles individuelles. Cette voie met à mal les notions même de solidarité et d’universalité qui fondent notre socle républicain.
Il est temps d’agir sur les ressources et pas seulement sur les dépenses tout en veillant à ce que chaque euro de la solidarité soit utile pour la santé des citoyens. Cessons de considérer la santé comme un coût mais envisageons-là comme un investissement utile. En 1945, alors que le pays et l’économie étaient en ruine, nous avons été capables de créer un système de sécurité sociale qui s’est révélé être un formidable levier de développement économique. Aujourd’hui, alors que les richesses n’ont jamais été aussi importantes, nous ne le serions pas ?

La mise en place des contrats groupes dans les entreprises au 1er janvier 2016 vous semble-t-elle être une avancée sociale ?

Léonora Tréhel : La loi issue de l’ANI est une mauvaise réponse à un vrai besoin. Certes, elle généralise une complémentaire santé obligatoire et aidée pour 400 000 salariés du secteur privé actuellement sans complémentaire. Les millions d’autres salariés, déjà couverts à titre individuel ou collectif facultatif, devront basculer dans le régime de l’entreprise ou de la branche, sans choix possible et au risque qu’il soit plus défavorable.


Cette disposition va favoriser une segmentation que l’on ne peut que redouter :
• un premier niveau obligatoire, celui de l’assurance maladie, apportant à tous des garanties « plancher » ;
• un deuxième niveau obligatoire verra le jour au 1er janvier 2016, mais sera un droit à géométrie variable selon les branches ;
• un troisième niveau, celui de la surcomplémentaire dont nous venons de parler ouvrant lui, un nouveau territoire d’inégalités.

Ce nouveau dispositif permettra-t-il la couverture mutualiste de tous ?

Léonora Tréhel : Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est une multiplication de dispositifs qui segmentent les droits, les populations et les prestations. Tous les citoyens ne sont pas égaux face à la complémentaire santé, dans la mesure où certains peuvent bénéficier d’une aide, d’autres pas.
Je pense aux retraités, aux jeunes sans emploi, aux personnes en situation de rupture familiale, mais aussi à plus de 3,5 millions de citoyens sans complémentaire santé. Or cette année, au congrès de la Mutualité française à Nantes, le président de la République a annoncé des mesures pour généraliser la complémentaire santé. Précisant même, je cite « que cette généralisation soit celle de la solidarité et non celle de la loi du marché ».
Résultat : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 prévoit un appel d’offre pour la conclusion de contrats individuels santé des personnes de plus de 65 ans. Ce projet entraînera peut-être une baisse artificielle des prix du fait d’opérateurs souhaitant développer leurs parts de marché. Mais il entraînera surtout une nouvelle segmentation entre les retraités selon leur âge, leurs revenus et leur état de santé.
Une logique qui pénalisera les retraités les plus fragiles. Une pure logique de marché qui ne tient pas compte du principe de solidarité. Un marché de dupes que rejette la mutualité qui se positionne comme un mouvement responsable et un point d’appui pour faire progresser les solidarités dans la société.

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