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Les retraités ? Sans eux, tout s'arrêterait

En France, les personnes de plus de 65 ans constitueront plus d’un tiers de la population française en 2050, une révolution démographique inédite. À condition d’anticiper les politiques publiques adaptées afin que cette population,très diverse, soit considérée autrement que par le seul prisme de la dépendance. Un enjeu économique, démocratique, politique et social majeur. Entretien avec Marie Geoffroy, sociologue.

Les retraités sont actuellement plus de 15 millions. Comment se définit ce groupe social ?
Il n’existe pas un groupe social des retraités. Je préfère parler d’une population de retraités. Une population extrêmement hétérogène, traversée par de très fortes inégalités, mais qui a deux points communs : un revenu fixeet du temps. Hormis cela, la population de retraités est très diverse.
On peut être âgé de 90 ans, avoir des enfants de 70 et des petits-enfants de 40 ans. Des générations aux histoires, aux cultures, aux revenus et aux conditions de vies différents... À cela s’ajoutentles différences sexuelles : le grand âge est essentiellement féminin.
Il y a des retraités riches et des retraités pauvres, des dépendants et des bien portants…n’ayant ni les mêmes attentes, ni les mêmes besoins, ni les mêmes exigences et ne partageant pas une conscience commune. Par exemple, les ouvriers peuvent avoir conscience de faire partie d’un même groupe, d’avoir un intérêt commun à défendre. Chez les retraités, cette conscience est encore trop disparate.

C’est-à-dire ?
Il me semble que les plus jeunes retraités, entre 60 et 65 ans, ont un rapport différent à la société que celui des générations issues des trente glorieuses.
Les générations plus anciennes, ayant connu le plein emploi et bénéficié d’un système social acquis et amélioré par les luttes sociales et syndicales, du coup, se sentent « redevables » à la société. Ceux qui arrivent maintenant à la retraite ont plus de difficultés.
On leur recule l’âge de la retraite, ils savent que leur pension sera plus faible, ils connaissent la précarité. Ils sont plus critiques, voire plus distants vis-à-vis de la société. Mais dans l’ensemble, ils ont un niveau d’instruction plus élevé et maîtrisent mieux les nouvelles technologies.
Leur place dans la société, leur niveau de retraite, la baisse deleur pouvoir d’achat sont des éléments forts de fédération d’intérêts communs. Ils pourraient donc s’organiser pour créer un nouveau rapport de forces. On appelait ça la conscience de classe. Ces nouvelles générations pourraient,elles aussi, se constituer une conscience collective pour défendre l’intérêt commun des retraités.
Aucune société ne peut ignorer l’existence et les revendications d’un tiers de sa population.

Les retraités ont un rôle social et économique mal reconnu. Ils s’investissent et s’engagent. Qui fait quoi ?
On retrouve des retraités dans quasiment tous les secteurs d’activités. Ils sont engagés dans des mandats électifs locaux, le mouvement syndical, la culture, le sport, l’environnemental… Ils jouent un rôle pivot dans la famille, l’éducatif, le mouvement associatif et solidaire… Il n’y a pas un pan de la vie sociale où on ne trouve pas de retraités.
Ils ont aussi un poids économique considérable à la fois comme consommateurs et comme producteurs d'emplois (dans les services à domicile, les Ehpad, la santé, la silvereconomy) .Ils sont un rouage indispensable de la société. Néanmoins, ce constat doit être pondéré.
D’abord, on observe un phénomène de « TLM », comme disent les Canadiens. C’est-à-dire que, très souvent,on retrouve « toujours les mêmes » à différentes responsabilités.Ensuite, selon la Fédération française du bénévolat et de la vie associative (FFBA), tous les retraités ne sont pas engagés dans le bénévolat. Pour diverses raisons d’ailleurs : âge, état de santé, isolement, niveau culturel ou tout simplement par choix personnel…Enfin, toujours selon la FFBA, en 2016, le bénévolat des retraités est en baisse.
L’engagement est plus local et,particulièrement chez les nouveaux retraités, apparaît un engagement à temps partiel, soit pour une durée limitée, soit pour une mission. L’investissement social des retraités repose donc sur une minorité, mais une très forte minorité tout de même. Sans eux, tout s’arrêterait.

La question du vieillissement n’est prise que par le seul prisme de la dépendance. Qu’en pensez-vous ?
Je trouve consternant que la dépendance soit, en effet, le seul élément sur lequel s’appuient les politiques publiques alors que sur les quinze millions de retraités, la dépendance n’en concerne que deux millions. On vit en moyenne 80 ans sans incapacité majeure. Le fait que nous ayons un « Secrétariat d’État aux personnes âgées et à l’autonomie » et un « Haut conseil de l’enfance, de la famille et de l’âge » pose un vrai problème de lisibilité.
Si on focalise sur l’âge et la dépendance, on ne voit pas le reste. Cela est vrai à tous les niveaux. Par exemple, les Conseils départementaux ne voient les personnes âgées qu’au travers de l’APA… et l’État n’entend pas se substituer à la famille.

Justement, face à ces évolutions démographiques, quels changements faudrait-il anticiper?
Nous sommes face à une véritable révolution dont on ne mesure pas l’ampleur et qui remet en cause nos repères en la matière. Selon l’Insee, non seulement, les retraités vont constituer 30 % de la population, mais la tranche des 0-20 ans diminue.
Comment occupe-t-on ces deux ou trois décennies actuellement passées à la retraite ? Quelle organisation du temps de la vie ? Quels types d’emplois pour un tiers de la population qui produit ? Quelle répartition des richesses pour assurer un montant de retraite permettant de vivre dignement ? Quelle politique de la famille comprenant maintenant quatre ou cinq générations ?
On le voit, tout notre système économique est modifié par la longévité de la vie. Or, les gouvernements n’ont qu’une vision comptable et à court terme. Il n’y a ni réflexion politique, ni politique planifiée sur ces questions majeures. Elles devraient faire l’objet d’un véritable débat national et démocratique.
Les syndicats ont été les éléments moteurs dans la mise en place et l’amélioration des systèmes de retraites, ils doivent l’être aussi dans ce débat.

 

Article paru dans Vie nouvelle n°196

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