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Services publics. Relever le défi, c’est possible

Les services publics sont devenus la cible des marchés financiers. Gérés par le privé, la rentabilité prévaut. Peut-on changer la donne ? Entretien avec Alexandra Meynard, en charge des services publics et des politiques publiques à la Cgt.

En France, la plupart des services publics ont longtemps été sous le contrôle des pouvoirs publics. Une exception française ?

Alexandra Meynard : Oui même si, sous une forme ou une autre, on trouve des services publics dans de nombreux pays du monde, les nôtres sont en effet une exception. Pour l’essentiel, leur conception date du siècle des Lumières. Ils ont évolué pour répondre aux besoins fondamentaux de la personne humaine tels que l’éducation, la santé, l’emploi décent, la justice, la sécurité, le logement, les transports, l’énergie, l’eau, l’information, la protection sociale, la culture et la communication. Les principes qui régissent, encore aujourd’hui, leur mode de fonctionnement et de gestion, sont l’égalité, la continuité et l’adaptabilité. Des principes qui garantissent que les politiques publiques sont menées dans l’intérêt général.

Comparativement à d’autres pays où le système de droits collectifs est moindre, où l’intervention de l’État est faible, la France résiste plus qu’ailleurs à se faire déposséder des garanties permettant de vivre ensemble. Le principe essentiel reste la solidarité : tous les individus financent selon leurs moyens et reçoivent selon leurs besoins.

Depuis près de 30 ans, on assiste à un transfert de la gestion publique vers le secteur privé qui n’assure plus un service public mais des missions de service public. Pourquoi ?


Alexandra Meynard : Relever la nuance est d’une grande importance. Dispenser un service au profit du bien de tous est différent d’offrir un service à ceux qui peuvent se le payer. Les gouvernements au pouvoir ces 30 dernières années ont, sans exception, tous cédé aux exigences du patronat. Économiquement, les activités du secteur public marchand ou non marchand constituent un enjeu social et économique majeur. Elles représentent directement ou indirectement, près de la moitié du PIB. Une manne financière considérable qui génère des profits immédiats et colossaux. J’ajoute que les salariés de ces secteurs représentent plus d’un quart de la population active. Ainsi, dans la logique libérale, les politiques publiques mises en œuvre visent d’une part à réduire la dépense publique en général et, d’autre part, à des réductions massives de ce que le patronat appelle des coûts, c'est-à-dire la masse salariale, les droits et garanties des salariés.

Au quotidien, quelles sont les conséquences pour les usagers ?

Alexandra Meynard : Chacun est à même de voir ce que cette logique change. Les usagers sont devenus des clients. Que ce soit en milieu urbain comme en milieu rural, si l’activité de service public n’est pas assez rentable, elle est réduite, voire tout simplement supprimée.

Ainsi, il n’est pas rare d’attendre des mois pour passer un examen de santé, parcourir des distances souvent importantes sans transports collectifs pour accomplir une simple formalité administrative, aller à l’école ou être hospitalisé. Et que dire de toutes ces zones blanches où des dizaines de milliers de nos concitoyens sont privés des moyens de communication modernes aujourd’hui indispensables.

C’est tout simplement le principe d’égalité d’accès aux services publics et la réponse à des besoins pourtant essentiels qui sont mis en cause. Désormais, en utilisant au quotidien les services, les biens, en payant de plus en plus cher son billet de train, sa consultation, ses factures d’énergie ou de téléphonie, chacun d’entre nous, mais aussi les collectivités, les entreprises, enrichissent un actionnaire privé. J’ajoute qu’en éloignant encore davantage les citoyens du centre des métropoles où sont concentrés l’économie et l’emploi, la nouvelle organisation du territoire amplifie ce phénomène.

Une autre conception des services publics est-elle possible ?

Alexandra Meynard : Oui, bien sûr. Il s’agit d’un débat d’idées essentiel qui porte sur la manière de vivre ensemble, sur les valeurs même de notre socle républicain. La Cgt a une autre conception des services publics que celle d’une économique libérale qui ne tient compte que des intérêts particuliers sur fond de réduction des dépenses publiques. Or beaucoup de services publics sont à l’équilibre. Et s’il y a recours à l’emprunt, il s’agit d’investissements sur le long terme, tant en matière de santé publique que d’enseignement. C’est de la bonne dette. Or, les privatisations coûtent bien plus aux États. Les collectivités et les usagers paient à vie l’utilisation de biens qui leur appartiennent déjà.

Dans les entreprises ou dans les territoires, les salariés concernés et les usagers sont engagés dans des actions parfois victorieuses. Que propose la Cgt ?

Alexandra Meynard : Les salariés des entreprises publiques et les usagers sont victimes d’une même logique. Les premiers paient au prix fort les réductions de leurs droits acquis et de leurs emplois et, en conséquence, les seconds, dont la plupart des 15 millions de retraités, voient disparaître leurs services publics de proximité. À l’inverse, la Cgt préconise la mise en place d’un Conseil national des services publics où seraient représentés tous les acteurs : élus, collectivités territoriales, entreprises, usagers et salariés. Nous pensons qu’une intervention effective des usagers et des salariés, tant sur l’évaluation que sur l’évolution des services publics, participe à une indispensable gestion démocratique.

Évidemment, pour cela, il faut des réformes profondes concernant la fiscalité et l’investissement. Par exemple, un nouveau système de financement qui reposerait sur un pôle financier public. Le système de péréquation basé sur le principe de solidarité entre territoires doit davantage contribuer à l’égalité d’accès et la continuité entre citoyens. Fondamentalement, nous contestons les politiques visant à en finir avec les cotisations sociales pour transférer la dépense publique et la protection sociale sur l’impôt.

Quels leviers peuvent être actionnés pour changer la donne ?

Alexandra Meynard : Les mobilisations sociales de cette rentrée initiées par la Cgt sont aussi l’occasion pour les salariés et les retraités de dire qu’ils exigent une autre politique pour des services publics de qualité pour tous. C’est le sens de la campagne que nous lançons en direction de tous les acteurs concernés par les services publics : salariés, retraités, organisations syndicales, entreprises et collectivités. Nous éditons un livret d’information et de propositions spécifiques à l’attention du grand public. À utiliser partout et sans modération. Cette campagne devrait déboucher sur des assises nationales du service public au début de l’année 2018. Compte tenu des enjeux, toute la Cgt va se mobiliser pour relever le défi des services publics de qualité pour tous.

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