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Les murs de Paris ont la parole

Depuis deux ans, des passionnés organisent des visites sur les traces des pépites du Street art parisien. Graffitis, pochoirs et bien plus… Suivons la guide dans le XIIIe arrondissement, véritable musée à ciel ouvert.

« Dans la peinture italienne classique, on retrouve toujours une tête de mort. Vous la voyez ? », interroge Bénédicte en levant le bras vers une monumentale Madone. Nous ne sommes pas au musée, mais devant un immeuble du boulevard Auriol. Dans sa parka noire, la guide de la « Team fresh » décrit une œuvre d’Inti : « Son talent, ce sont les drapés. » Face à l’immense peinture nichée au milieu des façades tristes du XIIIe arrondissement, la fresque - « Lutte et étreinte », signée Conor Harrington, dénonce l’homophobie.

La visite a commencé trois heures plus tôt Porte d’Italie. En ce dimanche pluvieux, Bénédicte Pilet mène notre petit groupe vers la Butte aux Cailles. Avec ses rues étroites, le village préservé au cœur de Paris - berceau de la Commune et jadis populaire - est le terrain de jeu parfait pour les street artistes. La passionnée de culture hip-hop en a fait le départ de son parcours dans la nouvelle Mecque des arts urbains parisiens. La visite débute par un clin d’œil : une fresque de Jef Aérosol, figure historique du genre. Une foule de regards en noir et blanc nous fixe. « Et nous incite à ouvrir les yeux », explique Bénédicte.

Julie, la trentaine, travaille à Verdun dans le tourisme de mémoire. Elle profite de son passage à Paris pour faire son deuxième parcours avec la « Team fresh ». Le premier, dans le Marais, a appris à la spécialiste du patrimoine à « poser les yeux là où il faut ». Avant, elle passait à côté des œuvres sans les voir. « Maintenant, je les cherche ! »
« Il y en a un nouveau, là ! », s’enthousiasme la guide au détour d’une rue. Clandestines et éphémères par essence, des œuvres ne cessent d’apparaître et… de disparaître.

Œuvres clandestines et éphémères

Ce jour-là, deux pochoirs de la célèbre Misstic – « une des rares femmes dans un monde plutôt masculin » - ont été repeints. Jadis cauchemar des institutions, les silhouettes de femmes que l’artiste accompagne de jeux de mots sur le sexisme étaient pourtant protégées. La mairie de Paris a mis à disposition de ses agents un catalogue d’œuvres à ne pas effacer. « Mais, à la merci des intempéries, des dégradations, elles ne sont jamais vraiment à l’abri ».
Là où certains voient du vandalisme, l’ancienne juriste et chargée de communication décrit de « la poésie qui embellit les rues, qui décore l’environnement et amène l’art à la portée de tous ».
La balade nous fait découvrir une richesse artistique méconnue. Le Street art, c’est de la bombe. Certes. Mais c’est aussi de la craie, des bas reliefs, des mosaïques. Étonné, le groupe se familiarise avec des termes comme « calligraffiti » (à mi chemin entre le graffiti et la calligraphie), « tricotag » (du tricot ou crochet qui vient recouvrir les poteaux ou les arbres), taping (où l’on sculpte son travail avec du scotch) ou retrograffiti (les images prennent corps en lavant la saleté)… Face à un immense Bob Dylan, taillé à même le mur, Bénédicte raconte comment le Portugais Vilhs fait apparaître à grands coups d’explosifs et dans un nuage de fumée des visages géants au regard pénétrant.

Un art qui a ses codes et ses messages

De pochoirs en collages, on apprend la différence entre « tag », « graff’ » ou « toy », on découvre comment le mouvement est apparu en France dans les années 80, pourquoi son histoire est indissociable de celle de la Seconde Guerre mondiale, des transports new-yorkais ou des inégalités sociales outre-Atlantique.
« Regardez cette coulure », invite la guide. Elle pointe le détail que le non-initié ne peut percevoir, l’œuvre cachée un peu trop haut. Elle décrit style, technique de lettrage, de remplissage, signature visuelle. Face aux murs, elle devise sur l’histoire des artistes, leurs familles, leurs parcours. Elle évoque nuances, inspirations ou hommages aux cultures anciennes… Comme certains repèrent les Rembrandt, Bénédicte ne loupe pas un Obey, JR ou C215. Sans s’en rendre compte, on commence nous aussi à chercher. On lève les yeux. On tourne la tête. On apprend sur la ville, l’histoire du quartier, celle de l’art. Et on réfléchit, face à des œuvres parfois politiques.

peinture de kashink

Comme cette peinture signée Jace qui ressemble à un jeu vidéo. Au delà des personnages mignons, du trait rond et des couleurs vives, elle interpelle sur les rapports de séduction, la société de consommation, l’absurdité du luxe. Plus loin, un Pinocchio, peint par Speedy Graphito dénonce – non sans ironie – les publicités qui détériorent l’espace public. Les fresques de Kashink interrogent, elles, les questions de genre. Niveaux de lecture et références cachées : Bénédicte décode.
Bien que toujours illégal - le Code pénal prévoit jusqu’à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende -, l’art urbain est en partie sorti de la clandestinité. Reconnus, beaucoup d'artistes exposent dans des galeries. Ils signent aussi des commandes, notamment dans le XIIIe arrondissement qui, chaque année, célèbre le Street art dans le festival Les Arts de la Bièvre.

Street art illégal mais reconnu

Depuis 2012, les fresques monumentales ont vu le jour sur l’austère boulevard Auriol, avec de grands noms comme Obey, alias Shepard Fairey et la Marianne offerte à Paris après les attentats de novembre 2016. Sur son fond bleu blanc rouge, elle rappelle les dessins de Mucha et peut être admirée depuis le métro aérien.
L’actualité s’invite aussi sur le parcours. « Une reproduction de cet Obey trônait sur le bureau d’Emmanuel Macron lors d’un de ses derniers passages télévisés », s’amuse la guide. C’est aussi lui qui a réalisé les très célèbres affiches d’Obama, rappelle-t-elle. « Faut pas se gêner ! », glousse une participante. De la clandestinité de la rue aux ors de la République, c’est aussi ça la magie du Street art. Du Marais à Ménilmontant, la « Team fresh » s’attache également à faire découvrir des quartiers touristiques autrement. Maintenant qu’on a aiguisé notre regard et que la visite touche à sa fin, c’est vrai : il y en a partout. On se dit que c’est tant mieux.

Camille Drouet - article paru dans le n° 205 de Vie nouvelle

crédits photo : Camille Drouet

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