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Retraites, tous concernés

Le social aussi a eu chaud cet été. Les mobilisations se sont succédé : santé, automobile, agriculture, commerce, grande distribution, banques, services publics, fonctionnaires… Le mécontentement, l’inquiétude et la colère grandissent dans le pays. La Cgt est en première ligne contre l’entreprise de démolition de notre modèle social. Entretien exclusif avec Philippe Martinez, son secrétaire général.

Gouvernement et patronat font feu de tout bois. Plus aucun secteur d’activité ne semble épargné par les conséquences des politiques menées. Quels sont les principaux dossiers sur lesquels la Cgt concentre son action ?

Philippe Martinez : Le gouvernement Macron amplifie et aggrave les politiques libérales menées depuis des années avec les conséquences que l’on connaît. Mais il n’a pas les coudées aussi franches qu’il veut bien le faire croire. Il doit faire avec les oppositions, les résistances et les luttes, notamment dans la santé. Avec les mobilisations pour le climat, la justice sociale et fiscale ou encore avec celles des retraités. Il a beau accélérer pour donner plus au capital, il doit prendre en compte ce qui se passe. Le pays ne se laisse pas faire. Pour la Cgt, la question est donc celle de sa capacité à fédérer toutes ces luttes afin qu’elles puissent s’exprimer ensemble, en ayant bien à l’esprit que les luttes pour le climat et celles pour la justice sociale ne s’opposent pas.

Urgence climatique et urgence sociale, même combat ?

Philippe Martinez : Tout à fait. Pour nous, elles sont inséparables. On ne peut pas en effet opposer la fin du monde et la fin du mois. Cessons de culpabiliser les plus pauvres qui subissent les premiers et de plein fouet les conséquences des politiques néolibérales. Par exemple, manger mieux, manger bio, oui, évidemment. Mais ne perdons pas de vue que pour beaucoup, la question est d’abord de pouvoir manger, tout simplement manger. Pour la Cgt, il ne peut y avoir de transition écologique avec une politique favorisant les plus riches.

Il y a aussi le lourd dossier de la réforme des retraites ?

Philippe Martinez : Nous ne négligeons aucune revendication sectorielle, ni aucune lutte pour les faire aboutir. Mais, en effet, le dossier des retraites tient le haut du pavé. Quand on parle des retraites, on parle des salaires, de l’emploi, des conditions de travail, de la protection sociale… En outre, la question des retraites concerne tout le monde. Ceux qui y sont déjà comme ceux qui vont y être. Personne ne peut dire, à part les patrons, je ne suis pas concerné par la retraite.

Jean-Paul Delevoye, l’ex Monsieur retraite devenu ministre, a reçu les syndicats. Quelles sont ses intentions réelles ?

Philippe Martinez : Jean-Paul Delevoye est un politicien jusqu’au bout des ongles. Il est capable d’ouvrir son rapport avec le principe de solidarité élaboré par l’ordonnance du Conseil national de la Résistance de 1945 : « Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Et, en 2010 avec Fillon, il est à l’origine de la casse du système de retraite par répartition. Aujourd’hui, son objectif est le même : en finir avec un système de retraite moderne et solidaire entre les générations. Au final, il s’agit juste de travailler plus longtemps pour gagner moins à la retraite. C’est la mission que M. Macron a confiée à M. Delevoye.

On est loin du système juste et universel où tout le monde bénéficierait réellement des mêmes droits ?

Philippe Martinez : La retraite n’est pas une question technique ou de spécialistes. Il faut être simple et pragmatique. Qu’est-ce qui intéressent les gens ? Deux questions : à quel âge je partirai ? Quel sera le montant de ma retraite ? Pour la Cgt, la réponse est : 60 ans avec, pour une carrière complète, 75% du revenu d’activité et un minimum de pension au niveau du Smic, mais aussi une revalorisation des retraites basée sur celle des salaires.

La retraite, c’est d’abord une question de vie active. Je ne prendrai que deux exemples. Le gouvernement dit qu’avec ses propositions, il va améliorer les pensions des femmes. Pour nous, si on assure l’égalité salariale pour tous pendant la carrière professionnelle, on règle mécaniquement le problème des basses pensions des femmes. Autre exemple, une personne sur deux, susceptible de travailler, est au chômage ou en invalidité après 55 ans. Ce n’est pas non plus une question de retraite, mais bien de vie active, de conditions de travail et de politiques d’entreprises qui renvoient un salarié sur deux à la charge de la société. Quelle que soit la formule, âge pivot ou durée de cotisation, ils veulent faire partir les gens beaucoup plus tard et les payer moins. Contrairement à ce que claironne M. Macron, chaque euro cotisé n’ouvrira pas les mêmes droits pour tous.

Je crains même que cette réforme, au final, ne fasse que des perdants, y compris chez les retraités actuels. Ceux-ci ont raison de s’inquiéter du futur montant de leurs retraites. Il suffirait que, sur ordre de Bruxelles, le gouvernement décide d’un nouveau tour de vis sur les dépenses publiques pour que les pensions baissent.

Que propose la Cgt ?

Philippe Martinez : Nous pensons que le système actuel, fondé sur la solidarité intergénérationnelle, n’a rien perdu de sa modernité et reste plus que jamais nécessaire. Nous ne disons pas qu’il ne faut rien y changer, mais qu’il faut le faire évoluer ; la situation du pays et du monde du travail n’est plus la même qu’en 1945. Nous voulons qu’il reste appuyé sur la cotisation sociale. J’ai évoqué la question de l’égalité salariale et celle des chômeurs à l’âge de la retraite, mais celle des bas salaires est aussi essentielle. En diminuant le chômage et en augmentant les salaires, on augmente mécaniquement les cotisations sociales. Nous pensons qu’il faut arrêter les exonérations massives octroyées aux grandes entreprises. La transformation du CICE en baisse de cotisations pérennes est un non-sens absolu. C’est environ 20 milliards de plus en année pleine pour le capital et autant de moins pour la protection sociale et les retraites. Nous proposons aussi de revoir les questions de pénibilité, du travail de nuit, dont on sait la nocivité et l’impact sur l’espérance de vie. La solidarité nationale doit assurer l’égalité de traitement pour ces travailleurs, tout comme pour les jeunes étudiants entrant plus tard dans la vie active. Rien ne justifie qu’ils soient pénalisés à la sortie.

Alors pas de compromis possible avec ce que propose le gouvernement ?

Philippe Martinez : Nous avons discuté 18 mois avec M. Delevoye… Nous avons dit et redit ce que nous avions à dire. Aucune de nos propositions ne figure dans son rapport. Alors, aujourd’hui, soit on remet les compteurs à zéro et on rediscute, soit on reste sur ce rapport et de fait, il n’y a plus rien à discuter.

Aucun syndicat n’approuve cette réforme. Sauf peut-être le Medef qui pense qu’elle ne va pas assez loin… Pourtant les premières mobilisations se font, encore une fois en ordre dispersé ? Franchement, qu’est ce qui empêche l’unité d’action ?

Philippe Martinez : Tout simplement des points de vue différents et des nuances non négligeables chez les syndicats de salariés. La CFDT est d’accord avec la retraite par points et sur la durée de cotisations. Il lui appartient, d’ailleurs, de gérer ses propres contradictions, car augmenter la durée de cotisation revient à augmenter l’âge de départ à la retraite. Pour les autres, je pense que c’est une question de temps. Les 13, 21 et 24 septembre sont un début. Il y aura d’autres rendez-vous, plus larges et plus unitaires, je l’espère. Il y a besoin de discuter, pas seulement aux niveaux confédéraux. D’ailleurs, à l’image de ce que fait l’UCR-CGT, on voit bien qu’il y a moyen d’avoir des initiatives communes un peu partout dans les territoires. Nous ne négligeons rien pour continuer à discuter et à débattre « argument contre argument » et à trouver toutes les voies de convergences possibles. J’encourage toutes nos organisations à le faire.

Depuis 2014, la persévérance des luttes, dans l’unité, dont font preuve les retraités ne se dément pas. Le gouvernement a dû lâcher un peu de lest. Ils seront à nouveau dans la rue le 8 octobre pour leur pouvoir d’achat. Quel regard portes-tu sur leurs actions ?

Philippe Martinez : Ces mobilisations sont utiles et intéressantes. Elles s’inscrivent dans la durée et dans l’unité et, en effet, elles ont permis d’obtenir des concessions, notamment sur les basses pensions. Mais, dans toute la Cgt, il nous faut toujours avoir en tête l’idée qu’il nous faut agir ensemble. J’entends bien les questions des militants et des syndiqués sur la multiplicité des dates qu’on leur propose. Ils ont raison, ça ne donne pas une vision claire d’agir ensemble. Nous pouvons, bien sûr, avoir des revendications particulières, professionnelles ou sectorielles, mais il est indispensable qu’elles puissent se matérialiser ensemble et le même jour dans des mobilisations plus larges.

Ensemble et le même jour. Tu ne crains pas que la revendication spécifique, par exemple, la revalorisation des pensions soit diluée ou passe inaperçue ?

Philippe Martinez : Les choses ne s’opposent pas. Je l’ai dit tout à l’heure, nous voulons que les pensions soient indexées aux salaires. Je crois que pour les retraités, défiler avec ceux qui réclament une augmentation de salaire a un sens. De meilleurs salaires permettent de meilleures retraites. D’autant que les retraités ne sont pas à l’abri des conséquences de la réforme. La question n’est pas de noyer les revendications. Chacun peut avoir ses pancartes, mais elles doivent être côte à côte. L’adage selon lequel « l’union fait la force » est valable partout, y compris dans la Cgt.

Actif ou retraité, c’est quoi être militant CGT dans le monde actuel ?

Philippe Martinez : Que l’on soit à l’entreprise ou à la retraite, être militant CGT c’est bien sûr être un adhérent. Mais c’est aussi un engagement citoyen. Ce n’est pas parce qu’on est contre le monde actuel qu’on ne doit pas se battre. Par exemple, il y avait beaucoup de retraités parmi les Gilets jaunes. Ni sourd, ni aveugle, avec l’esprit ouvert sur ce qui nous entoure. On ne peut pas avoir raison à la place de tout le monde. Dégageons-nous de l’influence de tous ceux qui ne nous aiment pas. Notre seul baromètre, c’est notre rapport aux salariés, aux retraités et aux syndiqués. Soyons moins boutiquiers. Levons les barrières posées entre nous, sinon on laisse des gens sur le côté. Les cloisonnements encore trop nombreux entre actifs et retraités sont préjudiciables à la syndicalisation. Celle des salariés et celle des retraités. Il faut faire avancer le concept du « syndiqué un jour, syndiqué toujours ». Je le redis, il n’y a qu’une CGT. Chacun, avec ses spécificités, y a sa place.

Comment se porte la Cgt ?

Philippe Martinez : Il y a un peu plus de quatre ans, j’ai entamé un tour de France de la Cgt. Je rencontre des syndicats et des salariés dans des grandes et petites entreprises. Tous sont confrontés à des difficultés liées le plus souvent aux conséquences des choix économiques et stratégiques patronaux.

Il nous faut, certes, encore régler des questions internes. Je pense notamment à celles liées à l’organisation afin de pouvoir accueillir et intégrer rapidement toutes celles et ceux qui nous rejoignent. Par exemple, en 2018, nous avons fait plus de 22 000 adhésions nouvelles et nous ne progressons pas en effectifs réels… Mais malgré cela, dans l’ensemble, notre CGT va bien. Elle reste une sérieuse référence dans le monde du travail. Il y a beaucoup d’attente à son égard.

Propos recueillis par Michel Scheidt

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