2018, cinquante ans déjà que Martin Luther King a été assassiné et autant que les « événements de Mai » se sont déroulés. Une dizaine de romans noirs, sans plus, pour les évoquer jusque-là
sous la plume entre autres de Jean-François Vilar et Frédéric Fajardie et, en 1998, le recueil Black Exit to 68 (La Brèche). Aujourd’hui, deux petits éditeurs, Le Caïman et Arcane 17, qui se sont signalés par des recueils en hommage à la Révolution d’octobre ou aux Brigades internationales, publient à leur tour Des Nouvelles de Mai 68 et Sous les pavés, la rage.
23 écrivains et 28 dessinateurs d’un côté, 30 auteurs de l’autre (15 femmes, 15 hommes), quelques ubiquistes (Daeninckx, Desaubry, Biberfeld, Gouiran, Del Pappas), des surprises (Daniel Prévost, Alain Krivine), de vieux briscards et de jeunes perdreaux, un joyeux et détonant mélange idéologique où trotskistes, libertaires, ex-maos, communistes orthodoxes ou cultivant le droit de tendance, esprits forts de tout poil, en tout cas à mille lieux de ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, voire au Medef et du libertaire au libéral, des Cohn-Bendit, Geismar, July, Goupil et autres Finkielkraut, qui ont commencé à se répandre sur les écrans, les ondes et dans les pages de la presse « libre ».
Pareils recueils, sur un sujet qui n’a jamais fini de faire couler de l’encre, ne visent pas à l’unanimisme. Si les sexagénaires ont vécu la période, leurs souvenirs ne sont pas forcément les mêmes, les trentenaires en ont entendu parler souvent sous le prisme trompeur de la nostalgie, si le Capital n’a pas varié dans sa volonté de désespérer Billancourt et d’en finir avec la CGT, les temps, hélas, ont changé.
Aussi je me garderai bien ici de décerner des prix et des accessits. Comme la Révolution française selon Clémenceau, ces recueils sont à prendre en bloc ! Et si nombre des récits, parfois autobiographiques, sont naturellement empreints de subjectivité et de parti-pris, si l’origine sociale de leurs géniteurs influence fortement leur vision, l’essentiel n’est-il pas qu’au milieu de tant de reniements dans une France guizot-macronesque, il se trouve encore des auteurs pour illustrer avec humour, tendresse, cruauté et lucidité la véritable mission du genre noir : dénoncer le monde tel qu’il ne va pas ?
Roger Martin
Des nouvelles de Mai 68, éditions du Caïman, 15€ et Sous les pavés, la rage, éditions Arcane 17, 20€.
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis