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Philippe Martinez : Pour une société où le social retrouve toute sa place

La crise sanitaire actuelle révèle une crise profonde de la société tout entière. Le secrétaire général de la Cgt fait le point sur la situationdu militantisme, des salariésen plein cœur du confinement et comment la Cgt prépare les jours d’après.

Comment vis-tu le confinement ? C’est une lourde contrainte pour le secrétaire général de la Cgt ?

Le confinement pour moi comme pour beaucoup est difficile à vivre, et pour la Cgt,où le collectif prime, ça l’est aussi.Il faut s'organiser en restant chez soi. Mais on a réussi, grâce à la direction confédérale et l’ensemble des conseillers de la maison confédérale,à avoir une activité importante, dans des conditions de militantisme tout à fait inédites et particulières.

Une nouvelle manière de s’organiser, de communiquer et de militer ?

C'est une grande première pour tout le monde. Toutes les communications se font par téléphone ou par visioconférence, ce qui permet des réunions régulières du Bureau confédéral, de la Commission exécutive, des Fédérations, des organisations de la Cgt et la diffusion denos publications.La communication a complètement changé, au lieu des traditionnelles distributions de tracts,les échanges passent par le téléphone, le mail, la visioconférence, les réseaux sociaux. Il y aura certainement des leçons à tirer de ces modes de travail plus réactifs.

Emmanuel Macron a fixé au 11 mai la date du début du déconfinement, notamment pour les élèves des écoles et des collèges. Au moment de cet entretien, cela te paraît-il raisonnable ?

C'est absolument scandaleux. Emmanuel Macron m’avait dit,lui-même lors d'un entretien téléphonique,que la grande majorité des scientifiques proposait une rentrée des classes en septembre. En réalité, cela ressemble plus à une volonté de libérer les parents de la garde d'enfants pour les renvoyer au travail qu’à celle de s'occuper de l'enseignement et des élèves.Les enseignants ont d’ailleurs réagi en rappelant que l'éducation n’était pas une garderie.De plus, la protection des élèves et des personnels n'est pas réglée. Elle ne le sera pas le 11 mai, ni même probablement en septembre, avec des classes surchargées, parfois en mauvais état sur le plan sanitaire, le manque d’effectifs chez les enseignants et les personnels administratifs.

Tu es intervenu à plusieurs reprises pour exiger que les salariés obligés d’aller travailler soient protégés, quelles ont été les réponses du gouvernement ?

Nous avons proposé d’identifier les activités essentielles dans cette période particulière, afin que les salariés des activités non indispensables demeurent confinés, se protègent et protègent les autres. Nous n’avons pas eu de réponses. Or, on voit bien que bon nombre de salariés, cinq semaines après le début du confinement, n'ont toujours pas les protections minimales.

Tout le monde attend le déconfinement, mais les spécialistes, l’Inserm en particulier, affirment qu’il est dangereux de l’envisager sans un dépistage massif et des protections adaptées, qu’en penses-tu ?

L’avis des scientifiques et des médecins doit prévaloir sur toute autre considération. La première question est celle du matériel de protection et des tests et on voit bien qu’on est très en retard par rapport à l'Allemagne qui pratique trois fois plus de tests qu’en France.Et il y a la question des transports. Je pense aux usagers mais aussi aux salariés de ce secteur. Là aussi, la santé doit primer.Il y a des régions plus touchées que d'autres,des villes mieux loties et plus riches que d’autres, il faut assurer une égalité de traitement au risque d’aggraver encore les inégalités sociales.

De façon plus générale, quelle appréciation porte la Cgt sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement ?

Pour le gouvernement et le président de la République,la logique économique prime sur la santé. Cela a produit une sous-estimation de la gravité de la crise sanitaire : manque d’anticipation, gestion hasardeuse, communication incohérente…les masques inutiles au départ, indispensables ensuite, des commandes qui n’arrivent pas, des salariés envoyés au travail sans protection,des droits collectifs et le droit de retrait,qui sont la base de la protection des salariés, remis en cause. Nous avons dit « pas de protection, pas de travail » et nous serons vigilants.

Les personnels soignants et de nombreux salariés sont en première ligne.Tous font preuve d’un engagement extraordinaire. Le gouvernement ne les a pas écoutés depuis deux ans.Penses-tu qu’il sera plus sensible à leurs revendications ?

Il faut saluer leur engagement et leur dévouement et nous avions soutenu leurs mobilisations bien avant la crise sanitaire.Lesmesures annoncées par EmmanuelMacron ressemblent à un pansement sur une jambe de bois...Son discours a évolué,mais la Cgtne croit que ce qu'elle voit. Pour nous, la priorité absolue,c’est l’engagement rapide des moyens humains et matériels et l’adoption d’un plan inédit de relance de l'hôpital public et cela pourrait se faire dès aujourd’hui.

Les retraités et les personnes âgées sont particulièrement touchés par la pandémie, notamment dans les Ehpad. Quelles mesures préconise la Cgt pour y faire face ?

Les personnels des Ehpad alertent depuis deux ans les pouvoirs publics sur le manque de moyens et de personnels.Il faut se rappeler les témoignages d’aides soignantes en charge de 30 ou 35 résidents.Il est particulièrement inquiétant que, dans une société dite moderne, la santé et le respect des personnes âgées soient considérés comme des dépenses et non pas comme un investissement. Là aussi, il faut des mesures exceptionnelles.

Qu’est ce que cette crise aura révélé de notre société selon toi ?

Elle est révélatrice de tous les maux de la société depuis des décennies à l'échelle de notre pays, de l'Europe et du monde. Il faut une vraie rupture avec ces politiques d'austérité, qualifiées de libérales ou de néolibérales, qui pillent les peuples, qui massacrent les peuples et je pèse mes mots, depuis des années.C’est ce que va porter la Cgt dans le débat sur le « jour d'après ». Il faut un changement de société où le social retrouve toute sa place.

Comment la Cgt peut-elle contribuer à la construction d’un véritable changement de cap dans notre pays ?

La Cgt a mis en place un groupe de travail pour préparer « le jour d'après », avec des mesures phares sur la protection sociale,la Sécurité sociale, la réindustrialisation, les relocalisations notamment dans le domaine des médicaments et du matériel médical, sur l'école, les services publics, les questions environnementales, car il s’agit aussi de la préservation de notre planète.Nous avons contribué également à la publication d'une tribune avec 18 syndicats, associations et ONG et d’une pétition en ligne qui a recueilli en une semaine 110 000 signatures.
Nous travaillons sur le déconfinement et au-delà du déconfinement avec la volonté de rassembler pour qu'il y ait une rupture avec un modèle qu'on nous a tant vanté et dont la crise révèle tous les méfaits.

Propos recueillis par Pascal Santoni

Photo : Allaoua Sayad

L'entretien sera publié dans le prochain Vie nouvelle avec un dossier "Préparons demain"

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