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Changement climatique. Le marché en cause

L’été a été marqué par des évènements météorologiques hors normes dus au réchauffement climatique. Le récent rapport du Giec* confirme l’inéluctabilité d’un phénomène lié à l’activité humaine. La COP 26 déçoit déjà. Qui sont les vrais destructeurs de la planète ? Quelle transition énergétique ? Entretien avec Sébastien Menesplier, secrétaire général de la Fédération CGT Mines-Énergies.

Le Giec pointe du doigt l’activité humaine comme étant responsable de l’émission de gaz à effets de serre (GES) provoquant les changements climatiques. Mais quelles activités sont en cause ? Qui sont les principaux pollueurs ?

Sébastien Menesplier : C’est une question fondamentale. Avec la formule « activités humaines », on veut faire porter la responsabilité à tous les citoyens du monde. Si le Giec a, certes, raison de pointer nos modes de vie, il ne dit rien sur l’énorme responsabilité des politiques libérales et de la mondialisation qui se « contrefoutent » de la situation environnementale. Pourtant, l’essentiel de nos activités industrielles a été délocalisé sur d’autres continents au nom du coût du travail et de la libre concurrence, sans se préoccuper des conséquences environnementales. Alors que ça devrait être une priorité, personne ne se préoccupe des conséquences relatives aux transports qui émettent des GES. C’est d’abord l’économie de marché et les dérives du libéralisme qui sont en cause. Par exemple, EDF préfère faire fabriquer des panneaux photovoltaïques en Chine plutôt que par sa filiale Photowatt basée en région Rhône-Alpes. Au moment où on ferme les centrales thermiques et nucléaires pour favoriser les énergies renouvelables, c’est ubuesque !

N’est-ce pas au niveau mondial qu’il faut envisager les solutions ? Lesquelles, selon toi ?

Sébastien Menesplier : Il faudrait d’abord plus de cohérence et de volonté politique des États au niveau mondial. À chaque conférence mondiale [COP, ndlr], les mêmes constats sont faits, les mêmes engagements sont pris. Mais une fois rentrés chez eux, les États n’agissent pas ou, plutôt, sont toujours guidés par une logique économique contraire à l’intérêt général, ils perpétuent les incohérences. Je reprends l’exemple de Fessenheim. On ferme une centrale propre côté français du Rhin et on ouvre une centrale à charbon côté allemand. Comment trouver une cohérence écologique globale avec des décisions aussi contradictoires ? Autre exemple, la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 vise à permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et de renforcer son indépendance énergétique. Parfait, mais la même loi garantit un accès à l'énergie à des coûts… compétitifs ! Autrement dit, on reste dans un système concurrentiel qui a fait la démonstration de son inefficacité au détriment des usagers, notamment en matière de tarif, au mépris de l’intérêt général et de la réponse aux besoins des territoires et de la population.

Certains préconisent des changements radicaux dans nos modes de vie. Au risque, d’ailleurs, d’aggraver les inégalités. La transition écologique peut-elle être compatible avec la justice sociale ?

Sébastien Menesplier : La justice sociale doit aller de pair avec l’écologie et la protection environnementale. L’exemple du tout numérique est édifiant. Plus on avance dans cette évolution, plus le fossé se creuse entre ceux qui y ont accès et les autres. Soit on peut l’accompagner, soit on est exclu. C’est pareil pour les questions environnementales. Il faut, certes, des évolutions au quotidien en matière de comportements individuels ou de consommation. Mais souvenons-nous de la campagne #metstonpull de l’hiver dernier… Pour éviter des délestages, on fait tout pour inciter les Français à moins consommer d’énergie. Mais, en même temps, on ferme des centrales nucléaires et thermiques comme celles de Porcheville, Cordemais ou encore Le Havre ces dernières années. C’est moins un problème de consommation que de production. Mais évidemment, il est plus simple de noyer les responsabilités. Attention de ne pas creuser le fossé. Si on n’allie pas la justice sociale aux diverses solutions sur les changements dans nos modes de vie, on va accroître les colères et les exclusions. À chaque étape, les citoyens doivent être associés aux choix qui les concernent directement.

Tu évoques la nécessité de plus de pédagogie et de démocratie. Justement, dans ce vaste débat fondamental sur l’avenir, les syndicats ont-ils voix au chapitre ?

Sébastien Menesplier : La Cgt fait des propositions. Par exemple, la FNME vient d’élaborer un « programme progressiste de l’énergie » pour peser davantage sur les décisions et répondre aux besoins énergétiques en luttant contre le réchauffement climatique. Il s’agit de propositions cohérentes. Pour l’essentiel, nous suggérons de remettre en place un véritable service public de l’énergie assurant notre indépendance énergétique, d’établir un « mix énergétique » alliant le nucléaire, l’hydraulique et les énergies renouvelables. Nous avons besoin d’un service public sorti des mains du marché et dont la nation aurait la maîtrise. Ces propositions allient réalisme et réponses aux besoins du pays et des citoyens. Mais le gouvernement refuse d’entendre les syndicats. Il préfère écouter les lobbyistes. Dans ce domaine, comme dans tous les autres, au moment où l’État devrait faire le choix de la souveraineté énergétique, la démocratie sociale est un enjeu fondamental.

Les tarifs de l’énergie ne cessent d’augmenter. La précarité énergétique, s’ajoutant aux autres difficultés, plonge des millions de Français dans l’angoisse du lendemain. Que propose la Cgt ?

Sébastien Menesplier : Le gaz et l’électricité doivent être définis comme des biens d’intérêt général et de première nécessité. Or, le gouvernement, s’appuyant sans broncher sur les diktats de la Commission européenne, a fait le choix de la libéralisation de l’énergie. En actant la fin du tarif réglementé et en autorisant la venue d’opérateurs privés, il a fait entrer le loup dans la bergerie. Au moyen de mécanismes flous et d’arguments fallacieux, le tarif réglementé s’indexe petit à petit sur ceux du marché. Les taxes, multiples et diverses, représentent 33% de la facture. Les opérateurs alternatifs profitent évidemment d’un système qui leur permet de vendre plus cher de l’électricité achetée moins cher à EDF. Résultat, les tarifs flambent pour le consommateur. Il faut d’urgence sortir le gaz et l’électricité du secteur marchand pour assurer l’accès de tous à l’énergie et éradiquer la précarité. J’ajoute que dans ce domaine, comme pour d’autres besoins de première nécessité, la question de la gratuité se pose.

Propos recueillis par Michel Scheidt

*Le Giec est un groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat. Créé en 1988 par les Nations Unies, il est composé de 195 états. Ses rapports fournissent un état des lieux réguliers sur l’évolution du climat, ses causes et son impact. Ils identifient également les possibilités de limiter l’ampleur du réchauffement climatique. Les productions du Giec sont au cœur des négociations internationales sur le climat.

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