Ils fuient guerres, misère, famine et subissent violences, rackets, manipulations. Rien n’arrêtera les déplacements de populations tant que perdureront les confrontations et l’absence de réelles coopérations entre pays riches et pays sous-développés.

L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) vient de livrer le chiffre : en 2021, plus de 84 millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer. Une augmentation par rapport à 2020 et 2019, deux années record concernant le nombre de personnes déplacées dans le monde.

Triste paradoxe. Alors que des milliards de personnes ont été confinées par la pandémie, des dizaines de millions d'autres ont pris le chemin de l’exil.

Les conflits sont l'une des principales raisons pour lesquelles les gens quittent leur foyer à la recherche d'une vie meilleure. En Afrique, notamment. Nombre d’Africains qui tentent la traversée partent de Libye, dont les côtes ont été le théâtre de naufrages meurtriers. Un pays ravagé, terre de violence pour les réfugiés et les migrants.

Afghanistan, l’effondrement

Avant même que les Talibans ne prennent le contrôle de l'Afghanistan, des milliers de personnes avaient été forcées de quitter leur foyer. Après le départ précipité des troupes nord-américaines et le retour des forces obscurantistes, le pays est au bord de l'effondrement et la fuite reste souvent la seule issue, surtout pour les femmes.

Sans précédent en Amérique centrale

L'ampleur des déplacements au Mexique et en Amérique centrale a été qualifiée, cette année, par le HCR, comme « sans précédent ». Près d'un million de personnes dans la région ont pris la route de l’exil en raison de la misère, des gangs, du crime organisé, des ravages de la pandémie de Covid-19 et du changement climatique. Les États-Unis ont expulsé des centaines de milliers de personnes vers le Mexique et d'autres pays d'origine.
Quant aux difficultés socio-économiques au Venezuela, conséquences pour une part de la politique agressive nord-américaine, elles ont été à l'origine d’une crise aggravée par la pandémie de Covid-19.

La Méditerranée transformée en cimetière

La mer Méditerranée est, depuis de nombreuses années, une route privilégiée pour les migrants et les réfugiés qui tentent d'atteindre l’Europe. Cette traversée dangereuse est devenue encore plus mortelle en 2021, alors que les pays européens ont intensifié les expulsions et les refoulements aux frontières terrestres et maritimes.
Au cours d'un seul incident en novembre, au moins 27 personnes se sont noyées dans la Manche. 31 000 personnes environ ont tenté la dangereuse traversée entre la France et le Royaume-Uni en 2021, et 7 800 ont été secourues en mer.

À la frontière biélorusse

En septembre, une crise a éclaté à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne. L'Union européenne a accusé Minsk d'aider délibérément les migrants à franchir illégalement la frontière polonaise, une accusation que la Biélorussie a démentie.
L'état d'urgence a pris effet dans certaines régions de l'Est de la Pologne, après que des milliers de migrants originaires d'Irak, d'Afghanistan et d'ailleurs ont tenté de traverser la frontière.

Retombées de la crise climatique

Alors que les conflits devraient continuer à nourrir les déplacements volontaires et forcés dans les années à venir, le changement climatique va jouer un rôle de plus en plus important. Depuis 2010, les conditions météorologiques extrêmes ont contraint environ 21,5 millions de personnes par an à se déplacer.

Quelles solutions ?

Émigrer est toujours une souffrance pour celui qui part. La première tâche est de permettre à chacun de vivre chez soi. Pour cela, il faut arrêter les guerres, remettre en question les accords commerciaux qui détruisent les économies locales, et affronter le changement climatique.

En Europe, plusieurs mesures s’imposent : renforcer les moyens civils de sauvetage en mer Méditerranée pour éviter les milliers de noyés ; refonder la politique européenne de contrôle des frontières extérieures et refuser la militarisation de la politique de contrôle des flux migratoires ; construire un programme pour l'aide au retour des réfugiés qui le souhaitent, lorsque la situation de leur pays de départ le permet.

Il faut assumer notre devoir d'humanité envers les réfugiés en respectant la dignité humaine des migrants, leur droit fondamental à une vie de famille et accompagner les mineurs isolés ; en finir avec le placement en centre de rétention d'enfants, même accompagnés de leurs parents ; construire des centres d'accueil aux normes internationales pour proposer aux migrants des conditions dignes et héberger des demandeurs d'asile le temps de l'analyse de leur demande.

José Fort
avec Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR)

Le HCR se mobilise pour soutenir les personnes déracinées en Ukraine et dans les pays voisins