Mes grands-parents ne sont pas très jeunes, pas très vieux. Ils habitent une maison modeste, pas très belle, pas très moche.
Toute bleue.
Je ne les vois pas souvent. Ils vivent trop loin et l’autoroute coûte cher. Mais, à Noël, Maman a dit :
« Les sous, on s’en fout. Il nous faut la dinde, les marrons et aussi les grands-parents ! »
J’ai ajouté : « Oh oui ! Surtout pour moi, cette année… »
Quand on est arrivés, la maison sentait déjà le pain d’épice. En été, elle embaume la confiture d’abricots, pas trop acide, pas trop sucrée ; j’adore ! Surtout que Mamie Léonie y glisse quelques amandes, comme des fèves dans la galette des rois.
Mais, le plus important pour moi, c’est que leur maison a été construite il y a très longtemps par les parents de leurs arrière-grands-parents qui, aujourd’hui, sont devenus de vieilles photographies scotchées dans les cabinets.
Oui, cette maison vient de jadis. J’aime beaucoup ce mot que je n’entends qu’ici. Et, jadis, il y avait déjà, juste à côté de la petite maison bleue, l’étonnante forêt que tout le monde ici appelle : la forêt-de-tous-les-possibles.
Quand on a envie de siffler, on va dans la forêt-de-tous-les-possibles et on y trouve tout ce qu’il faut pour se fabriquer des sifflets vraiment parfaits.
Il paraît qu’un jour, un arrière-grand-père a secoué un grand châtaignier et des poules couleur noisette sont tombées des branches !
Un autre jour, quand ma mère était enfant, elle a dit : « Champignon à pompon ! », et il s’est mis à pousser, en plein mois d’avril, autant de lapins que de chanterelles au mois d’octobre.
On raconte même qu’un roi,
qui prétendait être le Maître des horloges,
est venu ici, à la mi-mars,
pour tenter d’interdire le printemps !
Il voulait se prouver qu’il était bien plus
qu’un roi, bien plus qu’un dieu,
carrément le roi des dieux.
Ça a fait rire les oiseaux qui l’ont couvert de fientes !
Et le printemps n’a jamais été aboli !
Les Maîtres des horloges, en vérité, ne peuvent rien contre le temps des cerises.
Papy Lorenzo dit souvent :
« On a la chance de l’avoir, cette forêt, mais après tout,
c’est normal ! La chance n’appartient pas qu’aux riches ! »
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Conte inédit écrit par Alain Serres et illustré par Zaü
pour Vie nouvelle 208
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis