Après quatre décennies de délocalisations industrielles, les batailles sont désormais plus difficiles à mener dans les entreprises. Mais la présence et l’action syndicales demeurent plus indispensables que jamais.
Le congrès confédéral de la Cgt vient de se terminer. Il s’est tenu six mois après le démarrage du mouvement des gilets jaunes qui s’est déployéles samedis sur des ronds-points en dehors de tout encadrement syndical. Sans doute faut-il y voir un révélateur de la complexification du travail des syndicats dans une société où la précarité croissante de l’emploi va de pair avec une sous-rémunération du travail.
À titre de comparaison, voilà 40 ans, presque toutes les embauches se faisaient en contrat à durée indéterminée (CDI). De nos jours, 87% des nouvelles embauches se font encontrat à durée déterminée (CDD). Au moment d’accéder à l’emploi, un tri sélectif se fait désormais via le passage par un CDD,à quoi s’ajoute le travail en intérim.
Prenons un exemple. Au début des années 1980,beaucoup d’usines dans les Hauts-de-Seine travaillaient pour l’automobile : Renault à Boulogne-Billancourt,Citroën à Asnières, Levallois-Perret et Nanterre,les pneus Kléber àColombes, les carrosseries Chausson à Gennevilliers. De tout cela, il ne reste rien aujourd’hui.Naguère à l’usine, discuter avec chaque travailleur au vestiaire ou à son poste de travail permettait au délégué du personnel de faire des adhésions à la Cgt. Consulter ces mêmes travailleurs au moment d’élaborer le « cahier de revendications » maintenait ce lien permanent avec les salariés. Cette pratique, facilitée par la concentration des salariés, rendait visible l’action syndicale. Nombreuses étaient alors les revendications satisfaites, totalement ou partiellement, parfois au terme de grèves menées avec persévérance.
Depuis, beaucoup de productions industrielles ont été délocalisées dans des pays à bas coûts de main-d’œuvre et pas seulement en Chine ou au Bengladesh. Suite à l’entrée des pays d’Europe centrale dans l’Union européenne, l’industrie manufacturière n’a cessé de réduire les productions en France pour profiter des bas salaires ailleurs. Parallèlement, les entreprises donneuses d’ordres ont augmenté la pression sur les entreprises sous-traitantes, sommées de baisser les tarifs sous peine de perdre des marchés. Ainsi, la mise en place du CICE -versé depuis 2013 à toutes les entreprises sur les salaires jusqu’à 2,5 fois le Smic- a conduit des firmes industrielles et des enseignes de la distribution à exiger des baisses de prix de la part de leurs fournisseurs. Pour cela, elles utilisent le chantage à la délocalisation ou aux importations de produits alimentaires.
Ces dernières années, la précarité du travail s’est accentuée avec la montée en nombre des auto-entrepreneurs. Cette auto exploitation a été facilitée par les progrès dans l’informatique. Ainsi, 691 000 entreprises ont été créées en France en 2018, selon l’Insee. Mais 97% d’entre elles n’employaient pas un seul salarié et aucun chiffre n’était donné sur la rémunération de ces auto-entrepreneurs. Ces nouveaux métiers précaires entrent en concurrence avec des professions comme les chauffeurs de taxis, les coiffeurs et autres artisans ou commerçants auxquels ils enlèvent une part de leur activité, les faisant tomber à leur tour dans la précarité.
Ce nouveau contexte favorise objectivement le recul de la syndicalisation sur le lieu de travail. Les grandes luttes de ces dernières années se sont souvent déroulées,par la force des choses, pour tenter d’éviter des fermetures de sites. L’usine sidérurgique Ascoval dans les Hauts-de-France, les boîtes de vitesse de Ford à Blanquefort près de Bordeaux, le site papetier Arjowiggins de Bessé-sur-Braye dans la Sarthe sont trois noms parmi d’autres qui montrent que le grand patronat poursuit la désindustrialisation avec la complicité du pouvoir politique, en dépit des colères simulées de Bruno Le Maire. Cette politique accroît le déficit de notre commerce extérieur que Macron et les siens mettent en avant pour refuser de mieux payer les salariés.
Gérard Le Puill
Officiellement, le taux de chômage de la population active en France est de 8,9%. Ce sont des hommes et des femmes qui n’ont effectué aucune heure de travail dans le mois. Cette moyenne cache d’énormes différences. Les ouvriers et les ouvrières peu qualifiés subissent un taux de chômage de 17%, soit le double des ouvriers qualifiés et cinq fois plus que les cadres. Un ouvrier ou un employé non qualifié sur trois travaille à temps partiel et il s’agit souvent d’un temps partiel subi. 23% de ces travailleurs peu qualifiés n’ont que des contrats courts, contre 13% pour les ouvriers qualifiés et 14% pour l’ensemble des salariés. Dès lors, ils, et surtout elles, sont 13% à vivre sous le seuil de pauvreté en ayant un travail.
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis