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Hommage à François THIERY-CHERRIER

Hommage à François THIERY-CHERRIER  
par Olivier Jouchter

Le 14 novembre 2019 au siège de la CGT



Chère Chantal
Cher Jérôme,
Cher Thomas. Merci pour vos présences.
Cher Philippe, Cher Bernard, merci de votre présence qui honore notre camarade François.
Merci à vous toutes et tous, les militants de la CGT.
Merci aux représentants des organisations syndicales.
Merci à l’ensemble des organisations syndicales et associations de retraités pour vos présences.
Merci à vous tous ses camarades et amis.


François nous a quittés le 6 septembre, après avoir longuement lutté contre la maladie durant quatre années. Il a mené un combat dans lequel il n’a jamais baissé la garde, avec un courage qui a forcé l’admiration de sa famille, de ses amis et camarades. Je peux témoigner de sa lutte pour l’avoir accompagné au mieux de ce que je pouvais faire, comme adjoint, mais aussi comme ami.
Il nous a régulièrement étonnés par son énergie, quand tant d’autres à sa place se seraient résignés. J’ai le souvenir d’une visite à sa maison à Clémensat où bien que déjà affaibli, il m’avait demandé d’appeler en urgence deux membres du Bureau de l’UCR, afin de vérifier avec eux, que notre engagement pour la conférence du pourtour méditerranéen, serai bien tenu. Cette attitude était très caractéristique de la personnalité de François dans la maladie, mais aussi de sa manière de diriger l’UCR-CGT, mais je vais y revenir plus loin.

François nous a quittés à l’âge de 60 ans, dans les premiers mois de sa retraite, dont il n’aura pas profité, victime de l’amiante qu’il a inhalé dans son exercice professionnel, comme conducteur de chaudière haute pression au CHU de Clermont- Ferrand.

François savait mieux que d’autres, que l’amiante pouvait toucher de nombreux personnels hospitaliers, particulièrement dans les établissements construits dans les années 60/70. Il a été responsable du collectif amiante de la fédération CGT de la santé et de l’action sociale,à la fin des années 90. Avec d’autres, il a été à la promotion de Bulletins Fédéraux qui traitaient de cette question pour en faire des batailles revendicatives dans nos hôpitaux. Le destin est parfois cruel. Nous avons toutes et tous, un sentiment de grande injustice à l’idée que cette saloperie l’ait emporté bien trop tôt, alors qu’il avait tant de projets en tête.

Son parcours en tant qu’homme et comme militant de la CGT, témoigne d’un engagement fait de convictions et d’enthousiasme. Quand il décidait de s’engager, ce n’était jamais à moitié ou sur la pointe des pieds. Il y avait chez lui un côté« taureau » qu’on aurait pu emprunter à la fougue de Claude Nougaro, ou encore son côté boxeur, façon Robert de Niro, dans un de ses films emblématiques.

François était aussi de bois. Celui dont on fait les Vosges. Il est né à Rambervillers, dans une famille ouvrière un jour de mai 1958. Après avoir habité quelque temps à Saint-Dié au début des années 60, sa famille va se fixer quelque temps dans le village de Bru, au bord de la Mortagne. Même après avoir quitté les Vosges pour partir avec sa famille dans le Puy-de-Dôme, François reviendra régulièrement dans son village pour revoir ses copains d’enfance. Fidèle en amitié, il savait être là quand il fallait pour vous épauler et je peux en témoigner.

François était un autodidacte. Il n’était pas tombé dans la marmite du syndicalisme à sa naissance. C’est son parcours professionnel qui l’amènera à se syndiquer à la CGT et à prendre différents mandats au CHU de Clermont-Ferrand : CAPL CHSCT et Comité Technique d’Etablissement, avant de devenir membre du Conseil d’Administration. C’est en 1995 que François prendra la responsabilité de l’Union Syndicale Départementale, de la santé et de l’action sociale CGT, responsabilité qu’il occupera jusqu’en 2000. En 1998, François prendra aussi la responsabilité de Secrétaire Général Adjoint du syndicat du CHU.

En 2000, il deviendra le nouveau secrétaire général de l’Union Départementale CGT du Puy-de-Dôme. Il succédera à Michel Beurier devenu « célèbre » si j’ose dire, malgré lui, par une condamnation pour « délit de solidarité en faveur d’un travailleur en situation irrégulière ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que la répression contre celles et ceux qui se battent au côté des migrants ne s’est pas démentie depuis. Hélas !

Pendant 10 ans, François dirigera l’UD CGT, avec l’enthousiasme qui le caractérise. Il sera membre de la Commission Exécutive Confédérale durant 4 mandats, essentiellement sous la mandature de Bernard Thibault. François avait une approche contributive de cette responsabilité. Il avait l’habitude de donner son avis, avec la liberté de ton qui le caractérisait. Mais dans son propos et ses actes, il veillait toujours à ne jamais mettre la CGT en difficulté, mais à promouvoir tout ce qui pouvait faire progresser notre organisation.

Derrière son apparence d’homme costaud, il y avait aussi un homme sensible « bileux ». Je me souviens quand il revenait de réunions de la CEC ou du CCN dans des périodes où la CGT était en proie à des difficultés, combien il était meurtri de ces situations. Il avait une haute idée de ce que devait être la CGT, lui qui était toujours à la construction. Tout ce qui l’affectait le touchait énormément.

Dans ses responsabilités confédérales, François a été conduit à coopérer avec de nombreux départements. Il aimait aller au contact pour mieux aborder les réalités. Les camarades qui ont été amenés à le rencontrer dans le cadre de ces échanges pourraient témoigner de son sens du contact, de sa fraternité, mais aussi de l’homme qui savait défendre ses idées et faire débattre autour de nos intérêts communs, toujours pour faire progresser la CGT.

Dans le cadre de ses responsabilités, François a aussi été responsable de l’activité « jeunes » de la CGT. Il adorait discuter, travailler avec eux. Il n’a jamais oublié la jeunesse. À l’UCR, il évoquait régulièrement la notion de syndicalisme intergénérationnel et le besoin de convergences avec la jeunesse.

L’approche du syndicalisme spécifique, des diversités du salariat faisaient partie de ses préoccupations. Toutes les occasions étaient bonnes à saisir et comme il n’avait pas les deux pieds dans le même sabot, il était toujours à la promotion d’initiatives. Lors du dernier congrès de l’UCR à Bordeaux, il avait créé les conditions pour que des congressistes puissent aller à la rencontre des livreurs à vélo de Deliveroo. Cet acte de direction était très symbolique du style de syndicalisme que François voulait imprimer à l’UCR et il ne s’est pas privé de le faire.

J’ai dit lors de ses obsèques que notre camarade François mettait parfois le Bureau National de l’UCR à rude épreuve. Je confirme ! Il fallait au moins remplir deux conditions pour le suivre dans ses projets: avoir une carte « grand voyageur » à jour de son abonnement et être en bonne condition physique. Pour lui, l’activité de l’UCR devait prendre corps dans les territoires. Quand nous avons préparé le congrès de Saint-Étienne, il nous a fait parcourir pas moins de 78 départements en l’espace de quelques semaines. Avec lui, le syndicalisme retraité c’était baskets plutôt que charentaises !

Je connaissais François depuis plus de 30 ans. Des militants de la CGT, j’en ai croisé quelques milliers. Mais j’ai rarement rencontré un militant qui était autant à la promotion d’idées. Son cerveau n’était jamais au repos et de fait, nous non plus ! Je vais réemployer une métaphore, mais j’ai souvent comparé François à un magicien muni d’un grand chapeau Gibus, dans lequel il allait puiser mille et une idées, qu’il transformait illico presto en plan de travail. Et il en a sorti des idées de son chapeau ! Je vous vois sourire pour certains !

Quand François avait une idée et qu’il était persuadé qu’elle était bonne, il ne s’embarrassait pas forcément de longs préalables. Il était même capable de raccourcis ! Cela pouvait se résumer en deux mots : « On fait » ! Il a donné des sueurs froides aux deux responsables à la politique financière et la comptable, avec lesquels il a travaillé, plus d’une fois. Il décidait… et on regardait après, comment on finançait !!! L’ordre des choses selon François !

Comment ne pas se souvenir des TGV à financer pour la manifestation nationale des retraités de juin 2014, ou encore de l’initiative commune UCR-CGT/LSR à l’île de Ré en 2016, qui a rassemblé plus de 900 participants à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire des congés payés. Deux réussites indéniablement, dont il a été le premier promoteur.

Il était très attaché à ce que l’UCR et LSR aient des relations de travail, des complémentarités, sans jamais empiéter sur le fonctionnement de l’association d’aucune façon.

François avait de l’ambition. Pas pour lui. Il était même modeste, voire discret au regard des responsabilités qui ont été les siennes. Il ne parlait pas de lui ou si peu. Il avait de l’ambition pour les autres, pour se mettre au service du plus grand nombre. Et il avait compris que la dimension unitaire était indispensable à une expression large des retraités. C’est sous son impulsion et après une délibération du 10èmecongrès de l’UCR, que le groupe des 9 qui rassemble 7 syndicats et deux associations de retraités est né en 2014. Je veux les citer : FO,la CFTC, la CFE/CGC, la FSU, Solidaires, la FGR/FP, l’UNRPA et LSR. Je remercie les représentants de toutes ces organisations de leur présence. Je sais qu’elle n’est pas qu’une expression de la politesse, mais le témoin de l’empreinte de François dans la construction du syndicalisme retraité. Avec la direction de l’UCR-CGT, nous préserverons ce bien précieux.

Marylène Cahouet, secrétaire générale de la FSU retraités, prendra la parole pour le G 9.
Quand l’unité ne pouvait pas rassembler toutes les organisations syndicales de notre pays, François nous disait, « aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies, mais ne fermons pas la porte.
Les convictions de François à construire l’unité des retraités dans notre pays, se vérifiaient aussi dans son approche de l’activité internationale de l’UCR. Il s’est inscrit dans le prolongement du travail qu’avait engagé Françoise Vagner qui l’a précédé à la direction de l’UCR, notamment au sein de la FERPA.

François avait acquis la conviction qu’il était indispensable de développer nos activités à l’internationale, en s’ouvrant à d’autres syndicats que ceux que nous pouvons rencontrer dans un cadre européen. Il était persuadé de la nécessité de développer nos liens avec les organisations des pays du Maghreb et du pourtour méditerranéen. Même déjà gravement malade, il restait attaché à ce que l’UCR tienne les engagements qu’elle avait pris lors du colloque international à l’occasion de notre dernier congrès à Bordeaux. Cette conférence a eu lieu du 17 au 20 juin en Tunisie. Les travaux qui se sont tenus ont été dédiés à notre camarade François. La délégation de l’UCR-CGT se souvient de façon émue, de la prise de parole de notre camarade Leopoldo Tartaglia, de la SPI-CGIL. Merci mon ami Leopoldo d’être venu tout spécialement de Rome, pour cet hommage à celui que tu estimais tant.

François était très très sensible à toutes les injustices. C’était pour lui un sujet de saines colères. Il était particulièrement ulcéré par le sort réservé aux migrants et à leurs conditions d’accueil en France et en Europe. Et tout naturellement, il avait créé les conditions de la participation de l’UCR-CGT à des initiatives avec d’autres organisations syndicales européennes. Je pense à celle qui s’est tenue à Vintimille, à la frontière franco-italienne.

Le paroxysme de ses détestations s’exprimait dans son combat contre le fascisme et l’extrême droite. En fin observateur de l’actualité, du fait social et politique, il exprimait régulièrement ses inquiétudes à ce sujet. A commencer par la montée de l’extrême droite en France, mais dans tant d’autres pays européens. Il se serait réjoui avec nous et nos amis des Commissions Ouvrières espagnoles, de l’exhumation du dictateur Franco de son mausolée. Il aurait été touché par les dernières rencontres qui se sont tenues à San Remo et Pigna. Elles tissent les réseaux de la résistance et du combat contre le fascisme. La présence de retraités espagnols, italiens et français, mais aussi d’enfants qui deviennent passeurs de mémoires à leur tour, c’est ça l’avenir contre l’obscurantisme. Là non plus, mon ami François, nous ne lâcherons rien, bien au contraire.
Quel que soit le sujet que l’on abordait, François avait une vision de ce qu’il fallait faire pour développer le syndicalisme retraité. Il observait les évolutions de la société de manière attentive, notamment sur les aspects démographiques. Il savait qu’avec 17 millions de retraités dans la société, qu’il était nécessaire que la CGT intègre mieux cette dimension à sa réflexion, pour mieux répondre aux attentes de cette population. Il s’agaçait parfois de la vitesse à laquelle notre organisation appréhendait les grandes mutations du salariat et des retraités. Rien n’allait suffisamment vite pour lui. Je ne sais pas s’il tirait cela de sa passion pour le sport automobile, mais cet ancien pilote moto et auto, était un homme pressé. Il considérait que nos adversaires, patronat, gouvernement et capital couraient plus vite que nous et qu’on était pris de vitesse. Il avait parfois quelques phases de découragement, mais vu le bonhomme, ça ne durait pas longtemps !

Bien qu’attendue, la disparition de François a été un véritable séisme à l’UCR. L’émotion reste grande. François avait une relation à son collectif de direction, à la fois forte et affectueuse. Forte, parce qu’il était exigeant pour lui, donc pour les autres, militants et personnels. Affectueuse parce qu’il savait être attentif et protéger n’importe lequel d’entre nous si c’était nécessaire. Il savait consacrer du temps à celles et ceux qui se trouvaient confrontés aux épreuves de la vie, maladie et disparition et à l’UCR c’est indispensable.

Ce sont ces traits de caractère qui ont permis à François d’être un grand dirigeant, écouté, respecté, sans jamais être craint, même si parfois il lui arrivait de se mettre en colère et de faire monter sa tension de plusieurs points en l’espace de quelques secondes. Mais le naturel reprenait rapidement le dessus !

François était avant tout un homme simple, généreux, convivial. Dans les moments de relâche ou de convivialité, il n’était pas le dernier pour plaisanter. Il aimait la table, la partager avec ses amis et camarades et sortir de jolis flacons de sa cave, juste à bonne température pour les déguster. Quand la CGT lui en laissait le temps, il soignait ses rosiers qui entourent la maison. Il allait cueillir des champignons ou à la chasse selon les saisons. Il collectionnait la jolie vaisselle, celle qui comportait des coquelicots comme motif. Il prenait un malin plaisir à revenir des brocantes qu’il fréquentait assidûment en ramenant des objets à accrocher, suspendre, poser dans la maison, parce qu’il trouvait ça beau ! Mais sa passion, c’était les rallyes automobiles, en France et à l’étranger. Il était capable de passer la nuit au bord de la route avec Chantal, à écouter le bruit des moteurs pour les reconnaître, avant même de les apercevoir.

François était un homme de passions. Véritablement. Il était aussi un homme passionnant et chaleureux. Quand François et Françoise Vagner m’ont invité à déjeuner un jour de printemps 2013, je savais évidemment que c’était pour me solliciter. Mais j’étais loin de me douter de la suite des événements.

C’est par un jour de début août 2015, que Chantal, son épouse, m’a appelé pour me dire que François venait de faire un infarctus important, qu’il allait subir un triple pontage. C’est par sa voix qu’il m’a demandé de prendre la direction de l’UCR en son absence. Plus tard, il a appris qu’il était atteint d’un cancer. Non seulement il a fait face, mais il s’est battu pour revenir à nouveau au plus vite, pour préparer le congrès de Bordeaux. Il a appris juste avant d’ouvrir les travaux du congrès qu’il avait une récidive de son cancer. Il n’a rien dit, sauf à deux ou trois et il a fait face, sans que personne ne se doute de rien. Quel courage il fallait pour affronter ça physiquement, psychologiquement !

C’est après que les choses se sont gâtées. La maladie a commencé à gagner du terrain, ses venues à Montreuil se sont espacées, jusqu’à ce qu’il ne vienne plus du tout. On connaît la suite.
On avait de l’estime et une amitié réciproque. Le fait de l’avoir accompagné au mieux pendant ces années a renforcé nos liens. Même dans la douleur de la séparation, c’est une belle histoire d’amitié qui marque à vie.

Il me plaît de penser que « quand on perd un ami, c’est peut-être qu’il dort dans un autre univers, de gel et de bois mort, simplement affaibli ».

Mon ami François, nous allons préparer le 12èmecongrès de l’UCR-CGT sans toi. Tu vas bien évidemment nous manquer, comment pourrait-il en être autrement. Mais je te promets qu’avec la direction de l’UCR, nous créerons les conditions pour faire grandir le syndicalisme retraité dans la CGT.

 Photo : Allaoua Sayad

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