Trappes, le 30 mars 2020
Monsieur le Préfet des Yvelines
Monsieur le Préfet,
Notre organisation de retraités du département des Yvelines, l'Union Syndicale des Retraités CGT 78, s'adresse à vous solennellement pour vous faire part de sa plus vive inquiétude concernant les conséquences de la crise sanitaire liée à l’épidémie du COVID-19, en particulier sur les personnes âgées, et pour exiger que des mesures immédiates soient prises.
Les chiffres publiés ces derniers jours sont terrifiants pour notre département. Selon nos informations, à la résidence KORIAN de St Germain, 17 décès sont à déplorer et 7 salariés sont contaminés. A la résidence ELEUSIS de Poissy, 6 résidents contaminés ainsi que 3 salariés. La liste n'est malheureusement pas exhaustive !
Depuis plusieurs jours, le gouvernement annonce que le matériel de protection des malades et du personnel va arriver. Pourtant, les informations qui nous remontent jour après jour prouvent qu'il n'en est rien. Les infirmiers et infirmières, aides-soignants, médecins, personnels auprès des résidents des maisons de retraite lancent chaque jour des cris d'alarme.
Une réquisition dans certaines entreprises n'exerçant pas d'activités essentielles permettrait de collecter de très nombreux masques selon nos informations. Mais on objecte que les entreprises les gardent dans l'attente d'une reprise du travail.
Comment gérez-vous les priorités ? Nous pensons que les vies humaines valent plus que la production de bien matériels qui peuvent tout à fait être différés.
Le ministre de la santé a expliqué hier soir que c’était pourtant la priorité du gouvernement. Ces masques qui pourraient sauver des vies dorment dans l’attente de la reprise d’une activité industrielle, alors qu’il y a urgence à les mettre à disposition d’une manière efficiente pour toutes et tous. Ces choix nous scandalisent.
Dans les EHPAD, les établissements de soins, dans le secteur des services à la personne qui organisent le maintien à domicile des personnes dépendantes, les familles, les personnels s'inquiètent et la peur les saisit.
Le personnel commence à faire défaut, les conditions de vie en EHPAD sont fortement dégradées (solitude des personnes résidentes, rythme des services et soins ralentis).
Le manque de personnel dans les EHPAD et services de santé, déjà vivement dénoncé avant la crise, parce qu’il pouvait conduire à de la maltraitance institutionnelle, est aujourd’hui une réalité aggravée et difficilement soutenable.
La générosité et le dévouement sont des valeurs nobles, mais elles ne sauraient se substituer au rôle de l’Etat qui doit garantir la continuité et la qualité du service public de santé en priorité.
La qualité d’une politique publique se mesure à l’aune du sort réservé aux plus fragiles. Nous souhaitons connaître quelles actions ont été entreprises pour assurer la vie et la santé des personnes les plus âgées, des personnes les plus exposées aux risques épidémiques.
Nos revendications sont évidentes :
Dans les EHPAD, mais aussi à l'hôpital, où les protections manquent cruellement, c'est la vie des personnels, de leurs familles, celle des patients, des résidents d’EHPAD, des personnes dépendantes isolées à domicile, qui sont en jeu.
Dans certains EHPAD, les masques ne sont mis à disposition que si un cas confirmé de contamination a été détecté. Il est de votre responsabilité que toutes les structures de soins et médico-sociales soient dotées immédiatement des protections indispensables : gel hydro alcoolique, gants, masques et que des tests en nombre suffisant puissent être réalisés partout, notamment dans les structures accueillant des personnes âgées. C’est une urgence absolue!
Comment éviter la contamination des plus fragiles alors que les personnels utilisent les transports en commun pour se rendre à leur travail ? Si le confinement est effectif, les salariés qui travaillent viennent toutefois de l'extérieur et sont donc potentiellement contaminants. Etre à la fois soignant et source éventuelle de contamination est évidemment une charge morale impossible à tenir longtemps.
Tout doit être mis en œuvre pour que ces personnels travaillent sereinement auprès des personnes dont ils ont la responsabilité. Quel dispositif protecteur mettez-vous en œuvre pour limiter les risques de contamination extérieure ? Où en est-on de l’accès gratuit au transport par taxi ?
Conformément à la loi du 30 juin 2004, nous vous demandons de garantir la mise en œuvre du Plan d'alerte et d'urgence dans toutes les communes du département, ce qui est de votre responsabilité. Il faut que les besoins de toutes les personnes âgées et personnes en situation de handicap soient bien identifiés, qu’elles aient un numéro d’urgence à appeler en cas de besoin et que le portage de courses, de repas et/ou des médicaments leur soit bien proposé.
Il ne suffit pas d'invoquer la solidarité, le "vivre ensemble", ou le courage du personnel soignant. Il ne suffit pas de les applaudir et de les féliciter, vous devez d’urgence les protéger.
Cette pandémie a révélé au grand jour les conséquences des politiques de santé menées depuis des années au nom de la réduction des déficits publics et des économies budgétaires : des milliers de lits ont été fermés dans les hôpitaux et les EHPAD subissent un manque de personnel flagrant que nos organisations n’ont cessé de dénoncer auprès des dirigeants politiques.
Le manque de personnels est très criant, ce qui n’empêche pas le groupe KORIAN, par exemple, d’être très fier de son bilan : Le groupe anticipe une accélération de son chiffre d'affaire à 9% pour 2020 et une marge supérieure à 18%. La responsabilité de ces groupes est engagée sur la situation sanitaire de leurs établissements.
En 2018, nous avons été aux côtés des personnels des EHPAD pour soutenir leurs revendications, comme nous avons soutenu celles des personnels hospitaliers ces derniers mois car les conditions de vie et de santé des personnes retraitées, des personnes vulnérables ou dans le grand âge en dépendent.
Aucune réponse n’a été apportée et nous en payons le prix aujourd'hui. Il faudra en tirer les leçons !
Il semblerait, selon des dernières directives, que certains patients des maisons de retraite et EHPAD présentant une détresse respiratoire ne seraient bientôt plus admissibles à l'hôpital. Il devrait être envisagé pour eux des soins de confort. Autrement dit, il serait demandé aux personnels soignants de choisir qui va mourir !
Pouvez-vous nous confirmer que cette orientation n’est pas et ne sera pas à l’ordre du jour dans notre département ? Pouvez-vous nous confirmer que les équipements de protection seront distribués dans tous les établissements et pour les salariés des Services à la personne ? Pouvez-vous nous confirmer qu’un plan d’alerte et d’urgence sera mise en place pour les personnes âgées et des personnes handicapées ?
Monsieur le Préfet, vous êtes le représentant de l'Etat dans le département : il est de votre responsabilité de prendre toutes les décisions, maintenant, pour protéger nos concitoyens, les personnes vulnérables, les professionnels indispensables à la vie collective.
Notre démarche doit retenir toute votre attention et nous souhaitons que vous nous apportiez des réponses dans les plus brefs délais.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Préfet l'expression de notre considération.
Pour l'USR CGT des Yvelines
Michel Schaeffner
L'enquête de Médiapart : Le mensonge d'Etat
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis