Deux articles le même jour, le 31 juillet, dans le Figaro et sur le site de Capital préparent le terrain à ce qu’envisagent Emmanuel Macron et son gouvernement. Les contre-vérités le disputent à la mauvaise foi pour éviter que de véritables solutions émergent.
Dans le Figaro, Hakim El Karoui, essayiste et conseiller en stratégie, connu pour être proche d’Emmanuel Macron, a été conseiller auprès de différents cabinets de droite et fait un « stage » comme directeur à la banque Rothschild, lui aussi…Ajoutons à cela qu’il est l’auteur entre autres de deux ouvrages, « Réinventer l’Occident » et « La lutte des âges » et vous aurez cerné le « stratège ».
«Les retraités doivent contribuer à l’effort de guerre sanitaire» dit-il comme une évidence, reprenant la formule guerrière que son président lui-même a abandonnée. Il invite le gouvernement à « baisser temporairement le niveau des pensions des retraités, au nom de la solidarité entre les générations ». Solidarité ? Hé oui car figurez-vous que selon lui « le monde s’est arrêté pour préserver les plus anciens. » et il serait donc normal que, par un juste retour des choses les anciens acceptent la baisse de leurs pensions pour venir en aide aux jeunes particulièrement impactés par la crise économique. Comme si on l’avait attendu…
Le journaliste lui rappelle chiffres à l’appui que les personnes les plus âgées ont été «écartées des hôpitaux» au plus fort de la crise et l’interroge : « la France a-t-elle abandonné ses aînés ? ». « C’est l’inverse ! » dit-il, « Le gouvernement français a décidé de «fermer la société» pour les protéger. » Les EHPAD ? « Tout indique que le système a été pris de court ». Sidérant non ? Les mensonges, fréquents au plus fort de la crise se renouvellent dans le monde d’après d’Emmanuel Macron.
Paraphraser l’injonction du chef des Croisés à la veille du massacre des Cathares de Béziers il y a 800 ans, « Tuer les tous, Dieu reconnaîtra les siens », peut paraître excessif mais l’est-il vraiment ? Cela fait 20 ans que les alertes sur une possible pandémie ont été lancées en vain, que la méthode pour y faire face est établie : dépistage, port du masque, isolement et traitement des personnes malades, protection des personnes à risque. Rien n’a été fait car les stocks de masques avaient été détruits et non renouvelés, la production de tests dépendait de l’étranger, le démantèlement de l’hôpital public n’a pas permis de traiter toutes les personnes à risque, quant on ne s’est pas contentés de les accompagner à la mort dans certains EHPAD, sur directive ministérielle !
Le confinement, méthode héritée du Moyen Âge, a été décidé à cause de cette incapacité de l’Etat néolibéral à prévoir et à réagir à la crise. Logique quand les critères prioritaires de ce gouvernement sont liés quasi-exclusivement à la bonne santé financière des marchés et des actionnaires. Le déconfinement a été décidé pour permettre ou obliger les actifs à reprendre le travail. Mais sans y associer tous les moyens de prévention et de protection nécessaires, si bien que l’on craint en plein mois d’août un rebond de la propagation du virus et son accélération à l’automne.
Non, ce n’est pas pour « protéger les anciens » que l’économie a été arrêtée, mais pour sauver le pays d’un désastre auquel nous a conduit la politique d’Emmanuel Macron et de ses prédécesseurs, acquis aux bienfaits du marché censé tout réguler.
Il n’est pas interdit de penser que si le rôle de l’Etat, garant de l’intérêt général, n’avait pas été diminué au profit de quelques privilégiés, la France et son système de santé renforcé auraient pu faire face à la pandémie sans confinement général des salariés et des retraités. Les conséquences de la crise économique, qui menaçait avant la pandémie, auraient pu être atténuées, notamment pour les jeunes déjà frappés par le chômage et qui le seront davantage encore. C’est donc une imposture que de tenter de faire porter la responsabilité de la détresse des jeunes sur les anciens.
La thèse de la protection des anciens ne suffit visiblement pas, ce brave « conseiller » en invente une autre tout aussi indigne. Jugez-en : « La génération du baby-boom, qui a fait peu d’enfants, aurait dû épargner pour le financement de ses retraites, sachant que le nombre d’actifs par retraités allait s’effondrer. Non seulement elle ne l’a pas fait, mais elle a endetté l’État sans mesure. Les baby-boomers ont inventé la solidarité à l’envers: des pauvres endettés (les jeunes) vers les riches qui vivent à crédit (les baby-boomers). »
Au-delà de la confusion de « l’expert » entre la dette de l’Etat et celle de la Sécurité Sociale, il évite soigneusement d’évoquer la réduction des ressources de la Sécurité Sociale par la distribution « sans mesure » des exonérations de cotisations sociales ! Et encore moins les largesses fiscales accordées aux très riches sans un contrôle minimum sur l’utilisation de ces fonds « libérés », qui n’ont que très peu bénéficié à l’économie réelle, mais surtout fait de la France la championne des dividendes et des millionnaires.
Ajoutons que cette priorité accordée, non pas aux entreprises, mais à leurs actionnaires, n’empêche pas que la dette privée en France est supérieure à la dette publique. Mais de cela notre « spécialiste » n’en dit mot.
C’est article publié sur le site de Capital qui en donne la clé. Sous le titre « Budget de la Sécurité sociale : un effort pourrait être demandé aux retraités », le député Modem, Cyrille Isaac-Sibille, rapporteur de la partie assurance vieillesse du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021, imagine que «certaines prestations comme les pensions pourraient être sous-revalorisées(…) ». Vous aurez apprécié la novlangue chère à Macron : sous-revalorisée, pour ne pas dire baissée, car une pension qui ne serait pas revalorisée à la hauteur de l’inflation baisse. Et il annonce déjà que « les retraités dont les revenus oscillent entre 2.000 et 2.014 euros, devront attendre octobre pour se voir appliquer leur juste revalorisation.», alors que les revalorisations devaient avoir été effectives en mai dernier…
D’abord parce qu’ils en ont besoin. En 12 ans leur pouvoir d’achat a été réduit de 20 %. Ces dernières années, de blocage des pensions et des complémentaires en hausse de la CSG, leur pouvoir de vivre a été sérieusement amputé alors que la hausse des prix s’accélérait et nul doute que la crise sanitaire et économique va aggraver leur situation. Cela a-t-il permis à la situation économique du pays de se redresser ? Non, au contraire.
Ensuite parce que le pays en a besoin. Il faut rappeler que ce que perçoivent les retraités, soit 13,8 % du PIB en France, est pour l’essentiel investi dans la consommation et l’achat de biens et de services. Par ailleurs, des études ont établi que si on monétisait les heures dévolues à la production domestique et aux soins gratuits fournis aux adultes et aux enfants de leur entourage par les retraités français, on estimerait que cette population aurait généré l’équivalent d’environ 8 % du produit intérieur brut (PIB) réel de la France en 2018.
Si l’on ajoute à cet apport celui de millions de retraités qui participent à la vie associative et syndicale du pays, pour assurer des tâches que l’Etat ne veut plus assumer, on peut raisonnablement affirmer que les retraités rapportent au moins autant au pays qu’ils lui coûtent.
Relancer l’activité économique de la France après un arrêt de près 6 mois, suppose de relancer la consommation et conforter les activités des retraités qui contribuent
Les retraités représentent 52% de la consommation en France. Dans la santé, l'alimentation, mais pas seulement : les seniors achètent une voiture sur deux, 70% des produits de parfumerie, un tiers des jouets sont également achetés par les retraités.
Quant à la solidarité financière, vu l’usage que fait l’Etat-Macron de nos impôts, les retraités préfèrent l’assurer eux-mêmes auprès de leurs enfants et petits enfants et des associations qui viennent en aide aux plus démunis.
Si l’on veut prévenir les dépenses de santé liées à la pollution et à la « malbouffe » et favoriser une production alimentaire saine, il faut permettre aux retraités de consommer des produits de qualité souvent plus chers.
Redonner du pouvoir d’achat aux retraités c’est redonner un sens aux solidarités entre générations, c’est stimuler les efforts pour relever le pays, c’est agir contre tout ce qui accélère le réchauffement climatique. C’est permettre à chacune et à chacun de bien vieillir. C’est le bon sens non ? C’est le sens de notre combat.
Pascal Santoni
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis