Bien que permanentes, ce n’est que lorsqu’elles sont trop visibles et dérangeantes que les souffrances du peuple palestinien reviennent dans l’actualité médiatique. Marielle et Jean-Pierre, deux militants CGT de Loire-Atlantique, s’étaient rendus en Palestine en 2019 avec l’association Les Amis d’Abu-Dis*. Ils y ont rencontré des militants associatifs et syndicaux. Ils nous racontent leur séjour.
Il ne s’agissait pas d’un voyage touristique ! Ce sont des femmes et des hommes de ce pays que nous étions venus rencontrer pour les écouter, constater leurs conditions de vie, comprendre pour pouvoir témoigner.
Ces quelques jours nous ont fait ressentir l’indignité de la vie faite à la population palestinienne, bien au-delà des récits, des lectures ou des reportages télévisés. Comment retranscrire la colère, l’exaspération devant les injustices et le mépris subis quotidiennement par cette population ?
Dès le départ de France pour Tel Aviv - aucun aéroport ne dessert la Palestine-, le ton était donné : c’est la Sécurité israélienne qui procède, sur le sol français, aux contrôles « spécifiques » des voyageurs. Les délégations amies des palestiniens n’étant pas les bienvenues en Israël, en groupe nous risquions d’être refoulés avant même d’accéder à l’avion. C’est donc individuellement que nous nous sommes présentés au guichet.
Un taxi nous amène de Tel-Aviv à Abu-Dis où nous accueillent chaleureusement nos amis palestiniens. Mayada, qui fait partie de notre groupe et qui revient dans le pays de ses parents, nous aide à communiquer avec nos hôtes, mais la plupart des échanges auront lieu en anglais.
Nous allons découvrir très vite le quotidien de la population palestinienne : difficultés d’accès à l’école, aux soins, à l’eau. Vexations, humiliations, contrôles permanents, colonisation s’intensifient, en particulier à Jérusalem, chassant les Palestiniens de leurs logements…. Quelques exemples :
En prison sur leur sol. Un mur de plus de 700 km, érigé par l’État hébreux au prétexte d’assurer la sécurité de sa population, traverse des villes et des villages, sépare les habitants de leurs familles, de leurs champs, de leurs lieux de travail.
Ce mur a profondément transformé la vie des habitants d'Abu-Dis, obligeant à de longs détours pour se rendre à Jérusalem qui n’est pourtant qu’à 3 km. Pour se rendre à l’hôpital, les ambulances doivent désormais faire un long parcours, patienter aux nombreux points de passage sous contrôle israélien avec des conséquences qui peuvent être dramatiques pour les malades transportés.
À Hébron, ville colonisée de l’intérieur et coupée en deux zones, H1 (Palestiniens) et H2 (Israéliens), le souk situé en dessous des maisons des colons est surmonté de grillages pour protéger les Palestiniens du déversement d’ordures, mais aussi d’ustensiles divers ou de blocs de pierre jetés par les colons. Certains habitants ne peuvent plus accéder à leur terrasse, d’autres sont contraints d’entrer et sortir de chez eux par leurs fenêtres, leur porte d’entrée donnant sur la partie réservée aux colons. Ahurissant !
L’accès à l’eau est un des autres problèmes quotidiens. Elle est rare et chère pour les Palestiniens. Bien que les ressources se situent principalement sur leur territoire, c’est l’État israélien qui en dispose et qui pourvoit aux besoins des deux populations, selon les accords d’Oslo. Les restrictions sont sévères, dans les villes comme dans les campagnes, et, pour rendre la situation encore plus intenable, les réserves d’eau sur les toits des maisons sont régulièrement prises pour cibles par l’armée israélienne et les puits détruits par les colons.
L’olivier, un symbole de paix sous la mitraille. Une partie de notre groupe a participé à la cueillette des olives qui est une tradition et un moment important pour les revenus des agriculteurs. Elle ne s’effectue pas sans difficultés pour ceux qui possèdent des terres à proximité ou à l’intérieur des colonies israéliennes ou des zones militaires. Les agressions par des colons sont fréquentes et la présence de volontaires étrangers venus aider les agriculteurs n’est pas toujours suffisante pour les dissuader. Cette présence internationale est cependant primordiale.
Nous avons visité des camps, des écoles, rencontré des étudiants, des médecins, assisté à une conférence de Michel Warschawski, militant pacifiste israélien et eu le bonheur de rencontrer Salah Hamouri, avocat franco-palestinien défenseur de la cause palestinienne, qui pour cela a fait de longs séjours dans les prisons israéliennes.
Aucun sujet n’a été exclu de nos échanges : la réalité sociale, mais aussi les divisions politiques entre les différentes organisations palestiniennes, la corruption, la place des femmes, le poids de la religion…
Nous sommes revenus riches de toutes ces rencontres, de tous ces échanges avec des militants investis dans un combat courageux et encore plus déterminés à faire connaître leur engagement pour que la Palestine continue d’exister, que son histoire et sa culture soient préservées et que cesse cet insupportable sort fait à toute une population.
L’indifférence, qui s’apparente à de la complicité, des pays occidentaux, dont le nôtre, face à la politique d’apartheid et de colonisation des terres palestiniennes, est intolérable.
Propos recueillis par Hélène Salaün
Abu Dis est une ville jumelée avec Rezé (44), située dans la proche banlieue de Jérusalem (3km au sud-est), mais séparée de cette dernière par le mur.
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis