Une journée d’échanges s’est déroulée le 18 novembre dernier, au siège de la CGT à Montreuil. Des militants, salariés et retraités de plusieurs fédérations, dont l’Energie et la Métallurgie, ont débattu, en présence de Philippe Martinez, des « enjeux sociaux et environnementaux de l’énergie au cœur de nos modes de production et de vie».
Les échanges sur l’accès à l’énergie sont en train de monter en puissance, y compris dans les débats pour l’élection présidentielle d’avril 2022. Faut-il s’en étonner, alors que les prix sont en train de flamber? Au lendemain de cette journée d’étude, une note de conjoncture de l’INSEE indiquait que le prix du baril de Brent libellé en euro avait augmenté de 111% entre novembre 2020 et octobre 2021. En France cela s’est traduit par une hausse de 111%, également, pour le supercarburant, de 121% pour le gazole et de 96,3% pour le fioul lourd qui sert surtout au chauffage des maisons. Il ne fait pas bon avoir un petit salaire ou une petite retraite quand on a besoin de sa voiture pour se déplacer et qu’il faut aussi chauffer sa maison ou son appartement.
Cette hausse sensible du prix des produits pétroliers montre aussi la dépendance de l’économie française aux énergies fossiles. En témoignent les prix du gaz et du charbon, également en forte hausse ces derniers mois. Dans le dossier remis aux participants, une note de Véronique Martin, secrétaire confédérale, indiquait que « notre mix énergétique exprimé en énergie primaire est à 47% fossile, carboné et importé. Notre production électrique, elle aussi basée sur un mix, est en revanche peu carbonée et appelée à se développer en raison d’une électrification des usages aujourd’hui alimentés par le pétrole ou le gaz, dans les transports et l’industrie notamment ». Cette note rappelait qu’en 2019, « 3,5 millions de ménages étaient en situation de précarité énergétique». On sait que cette situation continue de s’aggraver avec la flambée des cours du pétrole et du gaz notamment.
Journaliste scientifique et syndiqué à la CGT, Sylvestre Huet avait été chargé d’introduire le débat. Analysant les piètres résultats des Cop qui se succèdent alors que les travaux du GIEC montrent une aggravation constante de la situation planétaire, il a déclaré d’emblée: «on peut encore choisir de vivre dans un monde réchauffé à +2°C par rapport aux températures moyennes du début du XIXème siècle en utilisant des moyens connus pour ne pas dépasser ce chiffre. Mais si, comme le laissent supposer les dérapages actuels, nous allons vers +4°C, la situation deviendra vite ingérable avec des vagues de canicule 40 fois plus nombreuses qu’actuellement d’ici la fin du XXIème siècle. Contenir le réchauffement à + 2°C suppose aussi de diviser par 5 ou 6 les émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines décennies », a-t-il expliqué.
Cette journée d’échanges se poursuivit avec deux tables rondes à trois intervenants, suivie à chaque fois par des avis et des questions formulés par les militants présents. Il y eu un consensus général pour estimer que la France ne pourra pas contribuer efficacement à tendre vers l’objectif de neutralité carbone en 2050 sans maintenir et renouveler son parc de centrales nucléaires. Cela fut notamment formulé par Mathieu Auzanneau , directeur du think-tank « The shift project, tout comme par Grégory Pastor du syndicat CGT de Général Electrics. Suite à cet échange, plusieurs intervenants ont cité la situation actuelle de l’Allemagne en phase de sortie du nucléaire pour relever les arguments irréalistes des partisans d’une électricité 100% renouvelable en France.
Lors de la seconde table ronde, Marie-Claire Cailleteau a insisté sur la nécessité de réindustrialiser la France, d’y produire des biens durables et réparables, d’entreprendre en grand l’isolation des bâtiments, de développer les transports fluviaux et surtout par le rail afin réduire les trafics routiers très émetteurs de CO2. Ce qui suppose, a-t-elle précisé, « d’avoir plus d’électricité à la fois décarbonée et pilotable, mais aussi de rompre avec les pratiques actuelles de vente à prix cassé du quart de la production des centrales nucléaires d’EDF aux entreprises privées».
Au nom de la Fédération Mines Energie de la CGT, Sébastien Ménesplier s’est félicité du « retour des questions énergétiques dans la campagne pour l’élection présidentielle ». Suite à des remarques de militants travaillant dans des centrales nucléaires demandant plus de vigilance concernant la sécurité , il a déclaré que l’on doit «pouvoir dire à l’extérieur ce qui ne va pas à l’intérieur d’une entreprise, y compris dans le cas du nucléaire et créer ainsi les conditions pour combattre le dumping social souvent obtenu via la sous-traitance dans cette filière qui demeure incontournable en France pour continuer d’avoir une électricité décarbonée».
« Nous avons besoin d’échanger car il n’y pas de solution unique et encore moins miraculeuse dans une filière énergétique qui regroupe plusieurs professions. Il faut dénoncer ce qui ne va pas dans les entreprises. Parce que nous avons besoin d’entreprises publiques comme EDF, nous devons aussi débattre et définir entre nous la conception que nous avons de l’entreprise publique avec des critères de gestion différents de ceux des entreprises privées » a déclaré Philippe Martinez en conclusion des travaux.
Il a aussi invité les militants de la CGT à multiplier les initiatives locales et régionales dans tous les domaines, citant à ce propos un exemple d’apparence anecdotique : le maire de droite de Decazeville dans l’Aveyron voulait fermer d’autorité le bâtiment communal où se trouve l’Union locale CGT. Voyant la protestation grandir dans la ville, il a ensuite décidé d’investir pour moderniser le bâtiment sans lui changer d’affectation.
Gérard Le Puill
Photo de Une, source : www.grandest.fr
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