Le 18 mars 1962 étaient signés les accords d’Évian mettant fin à huit ans de guerre entre la France et l’Algérie. Soixante ans plus tard, la recherche historique se poursuit, tout comme la bataille mémorielle.
Après les travaux précurseurs de Benjamin Stora, on ne compte plus les recherches menées pour faire la lumière sur une guerre qui resta longtemps sans nom. Parmi les derniers ouvrages parus, Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? de Raphaëlle Branche. L’historienne a mené une longue et remarquable enquête auprès de 39 familles, soit quelque 300 personnes pour éclairer la question des appelés en Algérie, à la lumière des angles familiaux, sociaux et générationnels. En croisant les témoignages de plusieurs générations, elle nous renseigne aussi sur l’évolution de la place de la guerre d’Algérie dans la société française. Aujourd’hui encore, elle garde une place de choix, au point qu’en juillet 2020, le Président Macron chargeait Benjamin Stora de « dresser un état des lieux juste et précis » sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie.
Dans son rapport, l’historien formulait une trentaine de préconisations pour apaiser les tensions. Parmi elles : la commémoration du 17 octobre 1961, date à laquelle plus de 200 Algériens furent tués.
Si le Président a salué la mémoire des victimes le 16 octobre 2021, il s’est contenté de pointer la responsabilité du préfet Papon. Autre conseil : faire entrer au Panthéon l’avocate Gisèle Halimi. Avec la panthéonisation de Joséphine Baker, notre chère féministe n’aura le droit qu’à une cérémonie aux Invalides. Quant à l’inauguration d’une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader qui lutta contre la conquête de l’Algérie, le 5 février dernier à Amboise (Indre-et-Loire), elle fut perturbée. La veille, la sculpture était vandalisée.
Mais pourquoi donc la guerre d’Algérie fait toujours polémique ? Parmi les pistes à fouiller, il faudra toujours garder à l’esprit les manœuvres de l’extrême droite comme l’a très bien étudié l’historien Alain Ruscio (Nostalgérie, éditions La Découverte) : les nostalgiques de l’Algérie française n’ont eu de cesse de vouloir falsifier l’histoire. À ce titre, une quinzaine d’historiens signent un texte collectif, Zemmour contre l’histoire où ils pointent quelques contrefaçons notamment sur la guerre d’Algérie. Ils prouvent qu’en « 1957, Maurice Audin n’a jamais tué personne », qu’en 1961, « le massacre du 17 octobre n’est pas la répression d’une manifestation » et qu’en 1962, « De Gaulle n’a pas donné l’indépendance à l’Algérie ». Ils opposent ainsi leur savoir à celui qui « fait mentir le passé pour mieux faire haïr au présent… et ainsi inventer un futur détestable ».
Amélie Meffre
Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? Enquête sur un silence familial, Raphaëlle Branche, 2020, éditions La Découverte, 25 €.
Zemmour contre l’histoire, collectif, 2022, éditions Gallimard, coll. Tracts, 3,90 €.
Nostalgérie d'Alain Ruscio analyse le traumatisme suscité par la guerre d’Algérie et éclaire l’intensité des guerres mémorielles auxquelles elle donne lieu aujourd’hui. Editions La Découverte.21 €
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis