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Les grèves dans les urgences, un mouvement inédit

Débutée en mars à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, la grève dans les services d’urgence s’est poursuivie et de nouveaux hôpitaux sont entrés dans le mouvement. Depuis, les déclarations de la ministre de la Santé et les réductions du budget des hôpitaux pour 2020 ont peu de chances de calmer les esprits. Retour sur un mouvement inédit.

Mais d’où vient ce mouvement et quelle est la raison de son ancrage dans la durée avec un niveau de revendications très élevé ?

Le mouvement des Ehpad, puis les mobilisations en psychiatrie avaient montré que les personnels étaient en colère et capables de se mobiliser. Cependant, face à un gouvernement droit dans ses bottes, les résultats étaient maigres et un certain fatalisme s’était installé avec un doute sur l’intérêt de ces mobilisations, entraînant un repli individualiste fort. Puis le mouvement des gilets jaunes a provoqué beaucoup de discussions et d’interrogations avec un véritable débat politique sur les ronds-points, mais aussi en famille et dans les équipes de travail.

Nous, syndicalistes, sentions la colère aussi à l’hôpital et la volonté de changer les choses, mais les mobilisations étaient difficiles et souvent limitées à des revendications ponctuelles, service par service, sans coordination pour réellement créer un rapport de force suffisant pour ouvrir des perspectives d’amélioration durable de la situation dans les hôpitaux.

Une étincelle et tout s’embrase

Puis, comme c’est souvent le cas dans ces situations de crise, un mini-événement a déclenché l’étincelle allumant le feu qui n’est pas maîtrisé aujourd’hui. Il s’agit de l’attitude inadmissible d’une directrice d’hôpital, en l’occurrence Saint-Antoine, qui n’a pas appliqué la procédure définie en cas d’agression du personnel. En effet, les deux jeunes femmes victimes ont été obligées de se débrouiller toutes seules pour aller porter plainte au commissariat et n’ont pas bénéficié de la procédure de protection dite fonctionnelle. Cette marque de mépris a été considérée comme intolérable et les personnels ont décidé de réagir en mettant d’un seul coup tous leurs griefs et revendications sur la table.

Une volonté d’autonomie

La particularité de ce mouvement est son organisation par les agents eux-mêmes. Dès le départ, les syndicats, notamment la Cgt, premier syndicat dans le secteur hospitalier, ont été présents pour accompagner le mouvement et aider à formaliser les revendications. Cependant, la volonté d’autonomie du mouvement était fortement affirmée. De fait, deux attitudes étaient présentes chez ce personnel souvent très jeune. D’un côté, le constat que les syndicats étaient nécessaires du fait de leur expérience et de leur organisation, pour accompagner le mouvement. D’un autre côté, des agents minoritaires, mais souvent assez virulents, rejetant catégoriquement les syndicats et affirmant qu’ils étaient capables de s’autoorganiser, notamment avec les réseaux sociaux, sans leur aide. Une partie de ces derniers avaient par ailleurs tendance au repli catégoriel.

Un mouvement en expansion

Au fil des semaines, le mouvement s’est organisé à Paris à l’Assistance Publique -Hôpitaux de Paris (AP-HP), principalement avec la création du collectif Inter-Urgences. Les premières négociations menées à l’AP-HP par le collectif et les syndicats CGT, SUD et FO se sont rapidement soldées par un échec. L’extension du mouvement à la province s’est faite de concert entre le collectif et les syndicats, principalement la Cgt. Après les premières manifestations nationales, la ministre de la Santé a annoncé des mesures qui étaient très loin de répondre aux revendications des salariés. Cette non-prise en compte de l’ampleur du problème a été contre-productive pour le gouvernement car elle a accéléré l’entrée de nouveaux services dans le mouvement.

Un mal profond

Le 9 septembre la ministre de la Santé est sortie du déni et du mépris face aux personnels en lutte. Elle a annoncé des mesures concoctées par des « experts » qui ne répondent absolument pas aux revendications des personnels et qui ont été immédiatement rejetées tant par le collectif Inter-Urgences que par les syndicats. La raison en est simple, rien sur les effectifs, rien sur les salaires et rien sur les lits. Par ailleurs, les 750 millions d’euros sur trois ans sont en fait une réallocation de crédits déjà existants dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ». Pour ne donner qu’un exemple sur les besoins financiers, celui desEhpadest significatif : l’association des directeurs demande la création immédiate de 40 000 emplois pour que les résidents puissent rester dans les établissements et ne soient pas adressés aux urgences au moindre problème de santé. Cette seule mesure a un coût de 1,2 milliard par an, donc très loin des sommes évoquées par la ministre.

Mobilisation source de résultats

Ce qui est par contre intéressant est le fait que le gouvernement ait été obligé de réagir dans l’urgence ; cela a montré aux personnels que la mobilisation pouvait être source de résultats.
Dans ce contexte, la Fédération CGT de la Santé et de l’Action sociale a appelé à l’extension du mouvement à l’ensemble des personnels hospitaliers et des Ehpad, avec une première étape de mobilisationle 11 septembre. Les revendications mises en avant par les personnels des urgences concernent l’ensemble des agents et ne pourront trouver satisfaction que par le déblocage de moyens financiers supplémentaires au niveau national. C’est la raison pour laquelle notre exigence immédiate est d’obtenir une augmentation du budget des hôpitaux et des Ehpadde 5 % lors du prochain vote de la loi de finances de la Sécurité sociale. Il suffit pour cela d’un simple amendement qui supprime la taxe sur les salaires, impôt injuste prélevé sur les budgets des hôpitaux, donc sur les cotisations sociales, dont le montant dépasse 4 milliards d’euros par an.

4 milliards sont indispensables

Cette somme n’est pas aussi importante qu’il y paraît, il s’agit d’un simple rattrapage budgétaire au regard des multiples plans d’économies imposés ces dernières années. Quatre milliards, c’est la possibilité de créer immédiatement des emplois et de soulager les finances des hôpitaux. C’est d’autant plus justifié que la part de l’hôpital dans les dépenses de santé est aujourd’hui en France une des plus faibles d’Europe. Nous regarderons de près le vote des députés et des sénateurs car il faudra leur rappeler, s’ils n’accèdent pas à notre demande, qu’ils devront alors assumer, ce que nous leur rappellerons avec les patients et leurs familles, la responsabilité morale des conséquences de leur choix, notamment de la maltraitance des personnes âgées dans les Ehpad et des morts sur des brancards dans les services d’urgence. Rendez-vous le 5 décembre.


Dr Christophe Prudhomme

Photo de Une : Allaoua Sayad

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