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Réforme territoriale. Une conception de la République en rupture avec notre histoire

Les collectivités locales sont dans l’oeil du cyclone d’une réforme marquée du sceau de l’austérité et de l’ordre néolibéral. Regroupements, fusions, souvent à marche forcée éloignent les citoyens des centres de décisions. Josiane Blanc, animatrice du collectif « Territoires-Coderpa » à l’UCR et Bruno Bouvier, coordinateur de l’activité des Comités régionaux de la Cgt échangent leurs réflexions sur les enjeux de cette réorganisation.

Pourquoi cette reconfiguration du territoire ?

Bruno Bouvier : La réforme territoriale n’est pas à regarder par le seul prisme de la réforme des collectivités. En réalité, la reconfiguration du territoire est un peu comme la clef de voûte d’une succession de réformes mises en place depuis plusieurs années : celle de l’État, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la santé, du ferroviaire… Elles vont toutes dans le même sens, celui d’une autre conception de la société axée sur la compétitivité, l’attractivité et la concurrence.

On regroupe, on rassemble, on spécialise et on concentre les moyens au nom d’une logique économique européenne libérale et d’une réduction massive de la dépense publique. Une conception aux enjeux anti-démocratiques majeurs qui tranche avec toute l’histoire de notre pays depuis la Révolution de 1789… Les élites décident, les citoyens et les salariés, pourtant directement concernés, n’ont même plus voix au chapitre.

Quelles conséquences sur la vie quotidienne des citoyens ?

Josiane Blanc : L’inquiétude est forte, en particulier chez les retraités. Les modes de vie sont bousculés. Par exemple, la commune est leur principal lieu de vie. Ils y trouvent, encore, des services dont ils ont besoin comme les transports, les services publics, le médecin, les commerces, les loisirs ou la culture… Les regroupements et les fusions [plus de 400 projets sont actuellement en cours, ndlr] modifient les repères et compliquent sensiblement le quotidien.

Les décisions sont prises ailleurs (Communauté de communes, métropole, région…) sans tenir compte des besoins. En réalité, plus on regroupe, plus ça éloigne. Plus de médecin au village et l’hôpital à des dizaines de kilomètres, plus de poste, plus de CCAS, de cinéma… Et souvent, plus de transports gratuits… Donc, moins de déplacements possibles…

On constate un vrai mal-vivre des retraités. Au-delà, ces recentrages ont d’autres conséquences. Je pense à la réforme des Coderpa. Dans les nouvelles structures (le Conseil départemental de la citoyenneté et l’autonomie), les représentants syndicaux n’auront plus la parole sur les financements des besoins.

Désengagement de l’État ou autre forme de centralisation ?

Bruno Bouvier : Certains ont pu croire à la disparition des compétences de l’État. Or, on assiste bien à une recentralisation de l’État, mais à l’échelle de nouvelles grandes régions dont le préfet est désormais une sorte de gouverneur ayant pouvoir hiérarchique sur le préfet du département. Simplement, on assiste à un éloignement des décisions.

Mais ce qui va être déterminant, c’est la Conférence territoriale de l’action publique qui va réunir annuellement, autour de l’État, les différentes collectivités (région, métropole, grandes agglomérations, Conseils départementaux…) pour se partager les compétences, mais sans présence citoyenne ou syndicale de quelque nature que ce soit.

Il n’y a donc pas disparition de l’État, mais une autre conception de celui-ci au niveau régional qui devient l’espace essentiel de décision. Autre exemple, les Agences régionales de santé (ARS), un lieu important de décisions en matière de santé sont sous l’autorité du Premier ministre et non de celle du préfet de région.

Dis-moi où tu habites, je te dirai qui tu es…

Bruno Bouvier : Les départements, les régions et les intercommunalités ont perdu la fameuse clause générale de compétences. La loi NOTRe est censée donner des éléments sur les différentes compétences des uns et des autres. Donc, à première vue, il existe une certaine lisibilité. Mais le vrai problème est la situation inégalitaire des citoyens devant les institutions de la République.

Selon l’endroit où on travaille, où on habite, où on étudie, ces institutions n’ont pas forcément les mêmes compétences. Par exemple, la Métropole lyonnaise a absorbé le Conseil départemental et ses compétences. Les habitants de Lyon ne sont donc pas dans la même situation que ceux de Grenoble, de Privas ou d’Aurillac. Ce mouvement va s’amplifier.

La concurrence va s’installer entre des Métropoles plus ou moins riches qui voudront être plus attractives les unes par rapport aux autres et où il fera plus ou moins bon de vivre. C’est là où les repères d’aujourd’hui vont disparaître et les différences se faire. Dis-moi où tu habites, je te dirai qui tu es…

Qui va payer quoi ?

Josiane Blanc : Bruno rappelait justement qu’un des objectifs de cette réforme était la réduction des dépenses publiques. De fait, le point d’achoppement est la baisse drastique des dotations de l’État. Faire autant avec moins de budget relève de la mission impossible… Sauf à répartir le poids sur les habitants.

C’est le jeu de bonneteau auquel se livre le gouvernement. La baisse des impôts sur le revenu annoncée est une arnaque à grande échelle puisque ce sont ceux des collectivités qui augmentent. Concrètement, c’est tout le quotidien qui est impacté. Les réductions de budget ont de graves conséquences sur le pouvoir d’achat des gens. Les exemples sont nombreux où ils doivent désormais payer plus cher les transports scolaires, les activités liées à la réforme des rythmes scolaires…

Les retraités dont les pensions ne sont plus revalorisées paient, lorsqu’ils le peuvent encore, plus cher un certain nombre de prestations sociales. Les restes à charge sont de plus en plus importants car les financements ne correspondent plus aux besoins sociaux.

Mais là où ils vivent, les retraités s’organisent pour lutter. Par exemple, dans la Drôme, avec l’USR-CGT, ils font circuler des cahiers de revendications.


Propos recueillis par Michel Scheidt

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