Il serait bien discourtois de médire un tant soit peu de la gastronomie en usage dans cette capitale de la Guyenne qui accueilli si goûteusement le11ème Congrès de l'UCR !
Reste qu’un triste personnage longtemps chargé de la chronique gourmande du quotidien du soir,en osant d’ailleurs signerdu pseudonyme de La Reynière, n’avait point tout à fait tort lorsqu’il affirmait :« vins à part, on peut dire que le Bordelais n’est guère exaltant sur le plan gastronomique (…) non seulement la table y est restreinte, mais encore il ne s’y fait aucun fromage »… Le propos est bien sûr excessif. Après avoir, plusieurs années durant, laissé courir mes mandibules non loin de la rue Sainte-Catherine et tout au long de Gironde et Garonne, de Gauriac jusqu’à Bouliac, je témoigne que l’on peut très largement câliner ses papilles avec de savoureux produits.
Il y a bien sûr ces mille et un nectars que mon ami Gérard ne devrait pas manquer de louer. Ils peuvent magnifiquement se faire l’accord parfait du plus gargantuesque festin, de l’entrée aux desserts, sans oublier l’apéritif et le goûter, même si les prémices d’un repas ne perdent rien à redécouvrir le Lillet, ce délicat assemblage de vins de ce terroir girondin, blancs ou rouges, et de liqueurs de fruits !
Mais les breuvages élaborés sur les quelques 100 000 hectares du vignoble bordelais, riche d’une soixantaine d’Appellations d’origine contrôlée (AOC) et de plus de 3 000 « châteaux », savent également enchanter bien des sauces et ne s’en privent point… La plus célèbre étant la bordelaise, des échalotes hachées réduisant dans un bon vin rouge avec bouquet garni, additionnées d’une lichette de cognac et de glace de viande, en terminant avec beurre frais, jus de citron et dés de moelle.
En cette contrée marquée par la conquête romaine et l’occupation anglaise, la terre aussi bien que les flots savent se montrer généreux. Méconnaître l’authentique bœuf de race bazadaise irréprochable pour ce qui est de l’entrecôte cuisant sur les sarments de vigne, à ne pas confondre avec celui de Bazas autorisant les croisements avec Limousine ou Blonde d’Aquitaine, l’agneau de Pauillac élevé sous le pis de sa mère et offrant d’admirables gigots de sept heures, le chapon de Grignols juste farci et rôti ou encore l’oiseau bleu délicieux en salmis, serait faute de goût !
Se priver des huîtres du Bassin d’Arcachon s’offusquant malgré tout en silence de ce diable de vinaigre à l’échalote, omniprésente ici, des lamproies magnifiques en civet riche de poireaux, de l’alose que titille cette oseille se faisant fort de dissoudre quelques-unes des innombrables arêtes, des délectables pibales, ces alevins d’anguilles remontant de la mer des Sargasses mais devenant hors de prix, des gambas du Médoc ou du caviar d’Aquitaine, en se gardant d’omettre les escargots à la caudéranaise, avec saindoux, dés de jambon cru, ail, échalotes bien sûr, persil et mie de pain que l’on mouille au vin blanc, frôlerait l’impardonnable !
Les civelles ou alvins d’anguilles sont aussi un des mets recherchés dans la région. Ils se dégustent poêlés ou en salade.
Et que dire d’un gosier sevré des pommes de terre d’Eysines, des artichauts de Macau, des radis de Bègles, des asperges du Blayais ou de ces cèpes à belle tête brune et au pied bien renflé que l’on cuit dans la grande poêle avec huile d’olive, jus de citron ou mieux encore gouttes de verjus, persillade et mie de pain. On les dit de Bordeaux. À croire qu’ils danseraient la sarabande dans les rues de la « Belle endormie », quand le principal marché, ouvert tous les jours en période de pousse, se tient à Villefranche-du-Périgord…
Il convient d’ajouter à cette liste de fort sympathiques charcuteries, au premier rang desquelles les grattons de Lormont et le grenier médocain, sorte d’andouillette locale à base de chaudin et d’estomac de porc enchantant le casse-croûte ! Quant aux douceurs, elles ont pour noms tendres canelés, plaisants macarons de Saint-Emilion, sarments et noisettines du Médoc, praslines de Blaye, croquants de l’estuaire ou bouchons de Bordeaux parfumés à la fine ! Bonne dégustation…
Jacques Teyssier
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis