Au moment où le président de la République veut s’attaquer au statut des cheminots pour faciliter la privatisation de la SNCF, selon les injonctions de la Commission européenne, nous avons choisi de vous parler du Train jaune de la Cerdagne et de la lutte menée les usagers pour le préserver.
Bourg-Madame, petite ville de la Cerdagne, en Catalogne, à la frontière espagnole, est en fête.En ce 3 juin 2017, le Comité des usagers de la ligne du Train Jaune a organisé pour la 3e fois une initiative régionale de soutien à ce bijou du transport ferroviaire, défendu de haute lutte et qui, aujourd’hui, fait le bonheur des touristes, mais mérite bien mieux que cela.
10 H 30, tout le monde est à l’heure à la halle des sports pour commencer la fête. Les militants de l’association se mettent en quatre pour accueillir la population. Tout le monde est là, les élus, les syndicalistes, les représentants du Conseil régional et du Conseil départemental, la presse locale, les services de communication départementaux, des citoyens de la région.
Parmi eux, Liberto Jofre, cheminot en retraite, affecté au barbecue géant, nous raconte ce qu’il a vécu pour défendre le Train Jaune du service public. En 1985, il a failli être révoqué pour « séquestration » à l’issue d’un mouvement de grève. Grâce à la solidarité régionale des cheminots CGT, il n’a écopé que d’une sanction.« On ne lâche rien », nous dit-il.
Maryse et Claude, retraitées et membres de l’association sont venuesavec leurs maris syndicalistes. « Noussommes dans l’association depuis 3 ans et participons aux moments forts de mobilisation », nous disent-elles. Certes, elles ont une carte de résidentes qui leur permet de payer le train un peu moins cher, mais c’est encore beaucoup trop en regard du niveau de vie moyen de la population des villages.« Nous sommes aussi attachées à la vie des gares. Un enjeu pour le développement des activités qui n’entre pas du tout dans les objectifs de la SNCF. Il faut donc donner de la voix à la voie », ajoutent-t-elles.
Les liens se font, la solidarité est là, pendant que se prépare un spectacle de chants et poésies catalans. Dans la foulée, nous rencontrons Jean-Luc Gibelin, élu communiste au Conseil régional, chargé des transports. « Il est indispensable que les citoyens prennent en main la défense de leur territoire et de ses communications. Nous agissons à la Région, mais sans la mobilisation, rien de sérieux et pérenne ne peut se faire. Et pour obliger la SNCF à assumer les décisions prises, c’est incontournable », insiste-t-il.
À la sortie de la halle, Mathias et Lise vendent leur bière blonde locale estampillée « Train Jaune ». Ils ont monté leur affaire, il y a deux ans, à Matemale, un petit village de montage des environs. Le train n’y passe pas, mais leur activité en dépend largement. À côté d’eux, Michel, l’épicier du même village, a conçu un manège propulsé par une bicyclette, les wagons sont aux couleurs du Train Jaune.« Je m’arrange pour que ce soient les parents qui fassent tourner leurs enfants. Comme ça toute la famille participe. »
Monique Guerrero, présidente de l’association, est heureuse du travail accompli mais soucieuse. « Rien n’est jamais gagné. La ligne du Train Jaune a encore beaucoup à attendre de nous, les habitants de la région. Notre logique n’est pas celle de la SNCF qui vit selon un principe de rentabilité privée redoutable. Il faudra redoubler de vigilance. »
Qu’on se le dise. Le Train Jaune est sous bonne garde de la mobilisation citoyenne. Nous lui souhaitons encore une longue vie, lui qui a déjà traversé le siècle dernier contre les vents et marées de l’histoire.
Yvon Huet
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis