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Ernest Pignon-Ernest :

L’homme préhistorique dessinait sa chasse sur les parois de sa grotte. Le dessinateur égyptien évoquait la vie du pharaon sur les murs de son tombeau. Les tagueurs investissent les ruines des friches urbaines. Ernest Pignon-Ernest s’inscrit-il dans cette parabole lorsqu’il fait revivre avec ses dessins les marches du Sacré-Cœur et du métro Charonne, les rues de Naples ou de Ramallah, demain celles d’Haïti ? Rencontre avec l’artiste.

Qu’est-ce qui anime l’artiste autodidacte que vous êtes ?

J’ai eu la chance de visiter les grottes de Lascaux et Chauvet (les vraies !) À l’évidence, les dessins de ces hommes nous faisaient déjà un formidable signe d’humanité. Le dessin allie la pensée et la main. C’est en cela qu’il est ce signe d’humanité. Alors qu’aujourd’hui chacun de nous est noyé dans un flot continu d’images sans véritable colonne vertébrale, dessiner, comme écrire, est d’abord pour moi un choix éthique. Il faut donc toujours prendre ce temps de la pensée. Mon inspiration travaille sur l’histoire humaine et sociale, avec mes choix, sans doute pour beaucoup issus de mes origines modestes. Lorsque j’investis un lieu avec mes dessins, j’essaye de le réactiver dans toutes ses dimensions, face à la banalisation que fait peu à peu le quotidien de toutes choses comme de tous lieux.

À propos de mon travail, certains parlent « d’œuvre en situation » (pour la distinguer de l’œuvre exposée en galerie ou dans des musées). Je ne suis surtout pas contre les musées. Crier « à bas les musées et les bibliothèques ! » est un discours de nantis qui n’ont, eux, jamais rencontré de difficultés pour y accéder. Travailler dans la rue est en effet autre chose. Si mon image est juste, alors les gens s’y reconnaissent, parce que j’ai réussi à exprimer ce que nous partageons eux et moi : amour, révolte, contestation… Même s’ils ne le savent pas.
L’œuvre, c’est la situation. Moi, je m’efforce d’exprimer les résonnances de cette situation. Ainsi, lorsque je recouvre les marches du Sacré-Cœur et en même temps celles du métro Charonne de mes sérigraphies, faisant revivre et du même coup honorant les Communards, et que j’invite les passants à piétiner mes images, j’évoque la répression dont des hommes et des femmes assoiffés de liberté et d’indépendance peuvent, à travers l’histoire et le temps, être l’objet. Lorsqu’en Palestine, je déroulais mes portraits grandeur nature de Mahmoud Darwich, assortis de quelques extraits graphiques de ses poésies, non seulement les passants Le reconnaissaient, mais Se reconnaissaient et entonnaient spontanément à haute voix ses poèmes, parce que, pour eux, ses vers font partie de leur culture de résistance…

…tout comme votre portait d’Emile Zola, sur fond de la célèbre Une de l’Aurore, sous le titre énorme « J’accuse ! », à propos de l’affaire Dreyfus !
Vous dessinez des causes s’inscrivant dans le temps long, mais avec des techniques et des supports par définition éphémères ?

J’ai fait d’autres interventions que celles que nous évoquons à partir d’images de poètes. Les plus grands sont souvent reconnus comme tels parce qu’ils incarnent leur temps, leur pays ou des causes de grande importance. Par exemple, Pablo Neruda, c’est le Chili, ses paysages comme le courage de son peuple ; Mahmoud Darwich, que j’évoquais à l’instant, c’est la Palestine ; Pasolini, l’Italie, la lutte contre le fascisme et l’homophobie…

Mon œuvre, ce n’est pas mon dessin à la pierre noire sur du papier journal. C’est sa « mise en scène » dans le lieu où elle est présentée et le vécu dans lequel le passant-spectateur la voit, la découvre. Pour inscrire l’image dans ce monde réel, il faut une bonne dose de « figuratif ». L’important, c’est ce que produit cette rencontre, ce que provoque cette confrontation avec cette représentation charnelle de mes sujets. J’essaye de faire percevoir ce qui ne se voit pas. Parce que c’est précisément dans ce qui ne se voit pas, mais qui est suggéré, que sont les éléments poétiques d’une œuvre.

Il vous reste certainement des moments inoubliables liés à ces œuvres d’un jour ou d’une nuit. Comment sont-elles et peuvent-elles être matériellement durables pour le plus grand nombre ?

Les photos… de ceux qui en ont pris. Mais c’est leur vision personnelle. Je prépare une exposition regroupant, comme une œuvre unique, mon travail de 50 ans. Un livre est en préparation aux éditions Delpire qui s’intitulera Face aux murs. Il alliera mes dessins et des textes de prestigieux et talentueux amis parmi lesquels Régis Debray, Michel Onfray ou encore François Morel… et bien d’autres.

Propos recueillis par Pierre Corneloup



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