Transmettre la vie, un nom, des valeurs, des idées, des croyances, c'est faire un pied de nez à la mort ! Donner, recevoir, redonner, autant d'actions au cœur de notre humanité. Certains de ces échanges transforment durablement notre vie. On peut assurer son immortalité par sa descendance ou par son œuvre.
L'immortalité a toujours été un fantasme, un mythe. On admet bien que la terre ait pu tourner pendant des milliers d'années sans nous, mais plus difficilement qu'elle en fasse de même après notre mort. Nous envions la longévité de certains animaux : la carpe Koï vit 200 ans, les tortues géantes 175 ans. Depuis qu'ils sont conscients de leur mortalité, les hommesrecherchent les moyens d'y échapper en atténuant les effets du vieillissement pour gagner des années. Tous les domaines de la connaissance sont explorés : la diététique, la chirurgie, la génétique, les soins du corps, les médicaments, le sport etc. Jeanne Calment a atteint 122 ans, avait-elle un secret ?
Il y a des choses que l'on transmet en le sachant, d'autres sans le savoir et même certaines qu'on croit transmettre et que l'on ne transmet pas. Nous avons tous des mots, des phrases, des idées, des émotions qui nous rappellent une grand-mère, un grand-père, une tante ou un oncle. À l'occasion du passage à la radio d'une chanson de Charles Trenet, je revois parfaitement tante Louise avec son tablier en toile bleue, esquissant des pas de danse devant son buffet en formica. C'était hier ! Elle épluchait les légumes cueillis le matin même au jardin pour confectionner un pot-au-feu inoubliable. Il faut dire qu'elle y passait du temps dans sa cuisine à préparer avec amour des plats simples et somptueux à la fois. Cuisiner, c'est s’intéresser aux autres, leur faire plaisir, leur transmettre des émotions, des savoirs qu'ils pourront offrir à d'autres.
À partir d'un après-midi crêpes avec ses petits-enfants, la grand-mère peut devenir immortelle ! La transmission est au cœur de notre humanité.
Dans le processus de la mémoire les odeurs sont extrêmement importantes. Elles déclenchent des émotions qui nous rassurent ou nous consolent.
L'odorat, plus que tous les autres sens, nous renvoie directement dans le passé, dans un endroit donné, face à une émotion. Il est le seul sens qui va directement jusqu'au cerveau, dans le bulbe olfactif, sans avoir besoin de détours, contrairement à l’ouïe ou la vue. Situé très près de l'hippocampe qui a pour fonction de créer et fixer les souvenirs, les impressions sensorielles olfactives vont avoir davantage tendance à se mêler intimement avec des souvenirs de lieux et de moments.
Nous possédons un millier de types de récepteurs olfactifs différents. Cela nous permet de repérer des odeurs spécifiques et de les associer à un moment particulier. Elles sont une passerelle vers les souvenirs. Je sens encore l'odeur des mains de ma grand-mère constituée d'un mélange subtil d'eau de javel, de savon noir et de lavande le jour de lessive, et de confiture les jours de cueillettes en été. Les après-midis entiers passés à écosser les pois, à équeuter les haricots, pour faire ensuite des conserves dans la grande lessiveuse. Les discussions allaient bon train, tout y passait : la vie de la commune, des voisins, la famille.
Pas de déchets, les épluchures de légumes allaient aux lapins et aux poules, les restes de la table pour le chien. Les menus étaient adaptés aux saisons et la viande n'était pas présente tous les jours sur la table. Par contre,ma grand-mère ne se privait pas pour commenter l'utilisation de l'argent dans la société. Elle pensait qu'il devait être simplement un outil pour aider. Qu'il fallait arrêter cette fièvre acheteuse qui s'emparait des gens de la ville. Changer toujours de meubles, de voiture, de vêtements, ces achats faisaient croire que l'on vivait mieux. Mais pour cela, il fallait toujours travailler plus pour gagner plus et consommer des produits de moins en moins bons et de moins en moins solides. Des produits pour pauvres qui rendent plus pauvres. Elle avait tout compris !
Des chercheurs américains réfléchissent à la perspective d'un monde sans maladie et d'une vie illimitée.
De plus en plus, la science va permettre de réparer et de guérir l'homme, encore faut-il que ces technologies soient accessibles à tous, sans discrimination. Peut-être que si nous avions consacré aux recherches en biologie l'intégralité des sommes attribuées aux budgets militaires de l'ensemble des pays, la question du bien être des individus serait réglée depuis longtemps. Mais nous en sommes très loin, il faudrait en priorité éradiquer le problème de la faim dans le monde.
Les évolutions technologiques s'intensifient dans de nombreux pays mais sont-elles au service des hommes, tous les hommes ou étroitement dépendantes des puissances financières ?
"L'éternité, c'est long, surtout vers la fin" (Woody Allen). À méditer…
Yolande Bachelier
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis