Le nouveau Premier ministre, Jean Castex est certes « inconnu du grand public », selon la formule consacrée avant qu’il ne squatte les plateaux de télévision, mais sa nomination est symbolique des intentions du président de la République.
Le nouveau Premier ministre comme son prédécesseur « encarté » à LR a rejoint la majorité présidentielle le jour de sa nomination et se présente comme le chef de la majorité... Après l’ENA il avait occupé divers postes dans les cabinets ministériels du gouvernement de Nicolas Sarkozy, avant de connaître une brusque ascension à l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée.
Le fait de guerre qui lui a certainement valu la considération d’Emmanuel Macron c’est son action comme directeur en 2005 de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère des Solidarités, de la Santé et de la Famille.
C’est bien Jean Castex qui, avec beaucoup de zèle a mis en application la loi qui a transformé l’hôpital public en entreprise à vocation « rentable » et imposé cette logique dans les hôpitaux publics. Avec les critères que l’on connaît : la tarification à l’acte, la fameuse T2a, dont tout le monde admet la nocivité et les gâchis qu’elle a engendrés : un encadrement des budgets désormais basés sur la performance compétitive et non sur les besoins et la centralisation technocratique des pouvoirs de décisions aux mains des directions administratives.
Cette T2a qui a incité à la fermeture des services de soins et des maternités de proximité n’atteignant pas le « seuil de rentabilité », qui recommandé toujours pour des raisons de rentabilité des séjours courts et le renvoi de malades au plus vite, quitte à le réadmettre quelques jours plus tard, en générant un nouvel acte à nouveau « rentable ».
C’est cette orientation destructrice qui a conduit à la situation de pénurie d’effectifs, de lits et de moyens de l’hôpital pendant la pandémie.
Responsable de la gestion du déconfinement, Jean Castex n’a pas brillé par son engagement : pas de mise à disposition gratuite des masques, pas de dépistage, peu de tests, rentrée des classes chaotique…
Pour parfaire le portrait de cet « inconnu », citons une anecdote de Gilles Perret, cinéaste, réalisateur de « La sociale » qui raconte comment Jean Castex a quitté la séance au beau milieu de la projection de son film « Les jours heureux » en 2013, en s’écriant : « Putain, y a que des rouges ici » Elégant et significatif non ?
C’est pourtant ce technocrate de la plus belle eau qu’Emmanuel Macron a désigné comme Premier ministre. Ce n’est ni une maladresse ni une « erreur de casting ». C’est pour ses états de service et son ancrage politique bien à droite qu’il a été choisi.
Emmanuel Macron a bien l’intention d’exploiter les manquements de notre système de santé qu’il a fortement contribué à affaiblir, pour faire appel aux intérêts privés. Jean Castex est l’exécutant parfait pour la poursuite de sa politique de privatisation du secteur de la santé et l’introduction du marché et de ses règles dans la protection sociale.
Pour sa première visite le Premier ministre s’est rendu auprès des policiers pour leur rendre hommage, pas auprès des soignants…
Le tweet du président diffusé la veille du remaniement, le 5 juillet est clair : « Le projet que j’ai porté en 2017 et sur lequel les Français m’ont élu reste au cœur de ma politique. Mais il doit s’adapter aux bouleversements internationaux et aux crises que nous vivons : un nouveau chemin doit être dessiné »
La composition du gouvernement de Jean Castex correspond également à cet objectif, doublé d’une tentative d’attirer les électeurs de la droite aux prochaines présidentielles. Car le seul élément nouveau de ce gouvernement c’est la place plus grande réservée aux personnalités issues de la droite.
Les promesses faites en temps de confinement sont effacées avec le déconfinement. Celles et ceux qui ont pu y croire doivent se convaincre que seuls l’engagement et la mobilisation pour un changement radical de cap de la politique du pays pourront contraindre ce gouvernement à céder aux revendications qui partout traduisent l’aspiration à vivre « des jours heureux ».
Pascal Santoni
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