Le mois de mai lors duquel on célèbre la fin de l’esclavage fut bien mouvementé cette année, notamment en Martinique où deux statues de Victor Schœlcher furent renversées. Retour sur une lente abolition qui n’en finit pas de faire des remous.
Dès le XVIIIe siècle, des voix s'élèvent pour dénoncer l'esclavage dans les colonies françaises. En 1788, la Société des amis des Noirs, qui compte nombre de personnalités tels Mirabeau, La Fayette ou Condorcet, est créée. Dans le même temps, de nombreuses révoltes d'esclaves se succèdent, très durement réprimées. Alors que les révolutionnaires de 1789 adoptent la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ils planchent sur une abolition de l'esclavage. Le 4 février 1794, la Convention vote un décret qui déclare que « l'esclavage des Nègres dans toutes les colonies est aboli ».
Huit ans plus tard, cette liberté toute relative sera remise en question par Bonaparte rétablissant, en 1802, la servitude. Les soulèvements se poursuivent notamment à Saint-Domingue qui, après une longue guerre de libération popularisée par Toussaint Louverture, acquiert son indépendance en 1804 et prend le nom d'Haïti. Un évènement qui nourrit le combat abolitionniste. En 1833, l'esclavage est aboli dans les colonies anglaises. Un an plus tard, est créée la Société française pour l'abolition de l'esclavage (SFAE). Elle rassemble des républicains à l'image du poète Lamartine, de l'avocat Ledru-Rollin ou du journaliste Victor Schœlcher. Une campagne de pétitions est lancée pour une abolition immédiate qui recueille des milliers de signatures.
Comme le rappelle l'historien Marcel Dorigny, après les journées de février 1848 qui renversent le gouvernement de Louis-Philippe, le gouvernement provisoire de la République, composé de membres de la SFAE, impose la fin de l'esclavage, via le décret du 27 avril 1848. S'il déclare dans son préambule que « l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine », il prévoit dans son article 5 l’indemnisation des esclavagistes. Ce n'était pas le cas en 1794 quand les propriétaires d’esclaves étaient vus comme des traîtres à la patrie, ayant pris massivement partie pour les royalistes. En 1848, les choses ont changé.
Dès l’annonce d’une nouvelle abolition, le lobby des colons va batailler pour obtenir réparation. Victor Schœlcher en accepte l’idée à condition qu’elle concerne aussi les esclaves. Il ne sera pas entendu : le 30 avril 1849, une loi va déterminer les modalités de la seule indemnisation des colons. Après avoir défini une somme par esclave libéré selon chaque colonie (sic), la loi octroie quelque 12 millions de francs d’indemnité aux esclavagistes. On peut comprendre que cet aspect moins connu de l’abolition fâche encore aujourd’hui.
Amélie Meffre
De 1500 à 1860 12 millions d’Africains furent vendus comme esclaves aux Amériques.
Les Etats-Unis sont les principaux bénéficiaires de l’exploitation des esclaves. Selon une étude du magazine Harper’s en novembre 2000, l’esclavage a rapporté cent mille milliards de dollars aux sociétés américaines entre 1619 et 1865, correspondant à 222 505 049 heures de travail forcé. La plus grande banque des Etats-Unis aujourd’hui, la JP Morgan Chase, a construit sa fortune sur le commerce des esclaves.
L’Angleterre s’est considérablement enrichie en assurant le transport et la vente de 3,25 millions d’esclaves vers les Amériques.
La France a été le troisième grand bénéficiaire du commerce des esclaves, en transportant 1,6 millions d’esclaves Africains vers les Antilles.
À lire, notamment, de Marcel Dorigny, Les abolitions de l'esclavage (Que Sais-Je, 2018) et de Céline Flory, De l'esclavage à la liberté forcée (Karthala, 2015).
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