Mars 2010, après Brassens, Brel et Ferré, Ferrat disparaissait. Novembre 2020, deux artistes associent leurs talents pour lui rendre hommage dans un magnifique ouvrage.
Lyonnel Trouillot est écrivain Haïtien. Ernest Pignon-Ernest est artiste plasticien et peintre. Ensemble, dans Tu aurais pu vivre encore un peu, ils redonnent vie à l’ami Jean Ferrat bien trop tôt disparu, le 13 mars 2010. Ce samedi-là, une immense émotion s’empare du pays. Le service public de la télévision lui consacre une émission spéciale et retransmettra en direct ses obsèques. On se souvient de la place de la Résistance d’Antraigues, ensoleillée, emplie de milliers de visages, amis et anonymes, larmes et sourires, mêlés en un même chœur, venus pour saluer l’homme « qui ne chantait pas pour passer le temps ». Celui qui dénonçait « la grande injustice » et « la force imbécile » sans jamais cesser de dire « Que c’est beau, c’est beau la vie ». Du jamais vu pour un artiste français.
Dix ans plus tard, comme pour conjurer l’absence de celui qui « aurai[t] pu vivre encore un peu», Lyonnel Trouillot, qui ne connaît Ferrat que par ses chansons, et Ernest Pignon-Ernest, qui était son ami et l’a côtoyé, conjuguent leurs talents dans un bien bel ouvrage où les mots accompagnent les dessins, pour notre plus grand plaisir. L’un twiste les mots à merveille, plaçant l’œuvre de Ferrat dans la trajectoire et le contexte de notre temps. L’autre peint les êtres que le chanteur aimait à en perdre la raison : Aragon, Desnos, Lorca, Maïakovski, Neruda, Machado… Mais aussi Apollinaire, Baudelaire, Carco, Brassens, Vian, Elsa Triolet, van Gogh, Hölderlin ou encore le vieil Hugo. Comme autant d’étoiles d’une constellation fraternelle et engagée, où on devine, au firmament, un Picasso qui « tenait le monde au bout de sa palette ».
Évoquant l’œuvre chantée, éternelle et de haute voltige poétique de Ferrat, l’ensemble donne un livre magnifique et émouvant, plein d’espérance aussi. « Le poète voit toujours plus loin que l’horizon », chantait-il en citant Aragon.
Son œuvre fait écho à la période actuelle. Nous sommes toujours très nombreux à devoir à Jean Ferrat la lucidité de résister, de dénoncer ce monde de malheur, et la certitude de pouvoir le changer « au nom de l’idéal qui nous faisait combattre et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui ».
Michel Scheidt
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis