Au début du confinement, elle s’est dit : « Marie, tu n'es pas la plus mal lotie, avec ta petite maison en campagne, entourée d'un beau jardin ! Tu vas avoir du temps pour ranger tes placards et classer la multitude d'objets que tu collectionnes depuis si longtemps. Et s'il fait beau, les travaux au jardin ne manqueront pas ».

Elle a bien commencé toutes ces tâches et avoue y avoir trouvé du plaisir, au début. Mais très vite les journées sont devenues moroses. Elle est passée d'un rythme de rencontres quasi quotidiennes avec ses amis à une solitude imposée.

Plus de répétitions pour le spectacle annuel de variétés avec son association, car il a été annulé. Plus d'après-midi goûter à mettre en place pour les plus âgés de la commune, assignés à résidence pour sécurité sanitaire. Plus de bénévolat à la recyclerie Trocantons, fermée jusqu'à nouvel ordre, où elle trie avec délectation les vieilleries du rayon brocante. Plus de recherches sur internet pour connaître l'origine et la valeur des objets, ni les débats que cela génère avec ses amis bénévoles. Plus de randonnées-bavardages avec les copines car l'activité est arrêtée. Plus de séance de cinéma avec sa petite-fille. Annulé également, l'atelier peinture auquel elle participait régulièrement.

« Mon quotidien est bouleversé. Pour moi, c'est le désert relationnel et culturel », se désole Marie. Elle n'avait pas vraiment mesuré l'influence des rapports humains dans la sensation de bien-être.

Être privée des autres, de leurs rires, de leurs petites histoires, de leurs sollicitations, de leur présence, c'est le vide ! Elle poursuit : « J'aimais mes jeudis après-midi à la salle communale fréquentée par les petites mamies du village pour jouer aux cartes et bavarder à bâton rompu. J'aimais les répétitions du spectacle que nous avions conçu collectivement, même si les muscles sollicités lors des numéros de danse faisaient un peu souffrir. »

Elle réalise, aujourd'hui, que faire du bien aux autres, c'est aussi se faire du bien à soi-même.

Cultiver la vie

Dans cette société bouleversée, il faut repenser le quotidien, les rapports humains, la place de la culture et les relations intergénérationnelles. La culture créative est un liant social qui nous fait évoluer, nous donne de l'espoir face aux épreuves, alors que la culture passive est plutôt une distraction qui fait passer le temps.

Il faut donner au plus grand nombre l'occasion et les moyens de créer, d'inventer des spectacles, des soirées, des concerts, des débats… Plus que des spectateurs, il faut des acteurs de la culture. Pour cela, chacun doit pouvoir avoir accès dès l'enfance à une formation artistique de base à l'école (musique, danse, expression graphique…). Ces activités étant menées conjointement par des associations ou des services municipaux tout au long de la vie. Cela permet de favoriser des talents prêts à s'engager dans les expressions artistiques. La culture ne s'arrête pas aux musées, aux visites d'expositions, au dernier Goncourt !

C'est l'art de vivre son rapport aux autres, à la nature, à la vie collective, toutes générations confondues.