Bien des coins de notre douce France justifient le détour pour l’architecture et le patrimoine, la nature, l’histoire, la culture ou l’artisanat, tout autant que pour Dame Gourmandise. Passons et goûtons ses succulents petits pâtés sucrés-salés.
À une encablure du Bassin de Thau, célèbre pour ses huîtres et son Picpoul de Pinet, Pézenas nous accueille avec ses ruelles pavées, ses maisons médiévales riches d’échauguettes et de fenêtres à meneaux, ses hôtels particuliers, le souvenir de ses foires, des ducs de Montmorency et autres princes de Conti, sans négliger Molière et son Illustre Théâtre ! Bien qu’il séjournât à trois reprises dans l’ancienne capitale des États du Languedoc, le célèbre Jean-Baptiste ignora tout des petites merveilles façonnées dans la ville royale. Il est vrai que les Piscénois eux-mêmes, c’est ainsi que se nomment les autochtones, étaient loin d’imaginer qu’un étrange personnage s’installerait dans leur cité plus d’un siècle plus tard…
Le bougre est citoyen des royaumes d’Angleterre et d’Écosse. Né dans le comté de Shropshire, le chérubin, bien que faisant partie de la « bonne société », se révèle aussi indiscipliné que bagarreur, aussi turbulent qu’insoumis. Cela n’empêche en rien son paternel de le faire embaucher dans la Compagnie britannique des Indes orientales.
Très vite, Robert Clive s’enrôlera dans l’armée. Il y fera « merveille », mettant un terme aux ambitions françaises sur cette riche colonie lors de la bataille de Plassey qui assoit, pour plusieurs siècles, la domination anglaise. Cette victoire va assurer son prestige et le propulser dans le costume de gouverneur, rien moins que du Bengale. Avant son retour définitif Outre-Manche, chez sa perfide Albion, Lord Clive s’installe à Pézenas, chez son ami le marquis de la Bégude. Il y organise de somptueuses soirées. On s’y presse pour être au premier rang quand s’ouvre le buffet. Un déconcertant pâté retient les attentions !
Sous la croûte dorée, en forme de bobine, une farce vous coule dans le palais. Elle inonde vos mandibules de curieuses émotions. De la douceur qui frôle le confit. Avec cette note animale, caractéristique du mouton. Encore la pointe acidulée des agrumes et ce mélange d’épices. Une vraie chatterie, à déguster toute chaude d’une bouche amoureuse !
Selon la version officielle, ce pauvre aristocrate, qui allait se suicider quelques années plus tard, laissant au passage une coquette fortune, aurait autorisé son cuisinier à transmettre la recette. Je crois plutôt à la servante délurée ayant lorgné les dessous de cette singulière friandise. Sur l’oreiller d’un pâtissier, la volage donzelle dévoila le secret, qui fera, bien entendu, le tour complet de la cité…
Pour ouvrir l’appétit de six joyeux convives, il vous faut du gigot. Tiré d’un ovin élevé sur le causse. Il fleure le thym, le romarin et ces herbes sauvages que notre nez ne sait plus distinguer. Un demi-kilo de viande ne sera guère de trop. Hachez-la finement, en y mêlant cent grammes de belle graisse, puisée sur les rognons. Malaxez à pleines mains, en enrichissant d’une cuillerée de raisins secs. Restera à sucrer. Point d’impair, usez de cassonade. J’en compte presque la livre. C’est peut-être excessif. Je ne le pense aucunement. D’autant que viennent s’ajouter les zestes des citrons, à défaut de cédrat. Deux jolis, tout gorgés du soleil du Midi. Non traités, cela coule de source. Il faut les couper fin. En écartant soigneusement toutes les peaux blanches. Pour ma part, gouttes de jus, poivre, cannelle, cumin, muscade, complètent cette préparation. Laissez-le donc se reposer. Dans un endroit bien frais. Histoire de donner aux parfums le temps de convoler.
Deux jours auparavant et la veille au minimum, apprêtez une pâte, avec farine, beurre ou saindoux, jaune d’oeuf, pincée de sel et eau. Monter les bobines est tâche délicate ! Des bandes, larges comme l’index, et des ronds de cinq centimètres de diamètre, pour les fonds et les couvercles. Remplissez-les et soudez tous les bords. Trois petits trous sur le dessus, une nuit à sécher. Une plaque graissée et le four préchauffé. Chaleur moyenne pour demi-heure de cuisson, en se gardant d’oublier de dorer, juste pour la beauté ! Toujours confectionnées par une poignée d’artisans aujourd’hui, ces singulières gâteries, s’honorant d’une Confrérie, voyagent sans problème. Idéales à l’heure de l’apéritif, avec un vin blanc du Languedoc ou un muscat de Saint-Jean-de-Minervois, elles s’apprécient également en entrée, sur la croquante salade. Certains les savourent même en dessert ! Je n’ose les contrarier, mais laisse passer mon tour…
Jacques Teyssier
Qui parmi les retraité-e-s d’aujourd’hui n’a pas appris à l’école que François 1er gagna la bataille de Marignan en 1515 ? Mis à part quelques Solognots résidant aux environs de Chambord et de Cour-Cheverny, qui sait 500 ans plus tard que le même François 1er fit venir de Bourgogne en 1519 un cépage qu’il décida de planter aux alentours du château de sa mère à Chambord ? Ce cépage qui s’est adapté aux terres à silex de ce coin produit aujourd’hui un vin blanc original qui a pris le nom de Romorantin.
Le cépage serait quelque peu « bâtard » puisque les analyses génétiques indiquent qu’il résulterait d’un croisement entre le pinot teinturier et le gouais, les ancêtres du pinot noir et du chardonnay. Le Romorantin reste un raisin blanc qui, récolté à bonne maturité, donne un vin blanc sec, parfois demi-sec. C’est un cépage rustique et assez facile à cultiver. Son débourrement est précoce au printemps, mais sa maturité est néanmoins tardive par rapport à d’autres.
Il donne un vin moyennement alcoolisé, fruité, bouqueté, agréable en bouche avec des arômes d’abricot, d’agrumes et de fleurs blanches. Sa belle acidité lui donne un bon potentiel de garde. On lui prédit 10 à 15 ans de bonne évolution en bouteille, mais les meilleures années tiennent vingt ans et plus. Ce vin rare est de ceux que l’on peut acheter, à prix raisonnable, dans les millésimes qui correspondent à l’année de naissance de ses petits-enfants, histoire de leur faire découvrir bien plus tard une culture du vin chargée de siècles d’histoire en France. Ce vin peut se servir à l’apéritif sur des tapas et autres petits toasts surtout avec du fromage de chèvre. Les Solognots l’apprécient avec des asperges au début du printemps, mais il convient aussi aux coquilles Saint-Jacques bien saisies sans être trop cuites en entrée. Un poisson carnassier des étangs de la Brenne apprêté au beurre blanc devrait aussi convenir à ce vin toujours assez vif pour réhausser le côté crémeux du plat.
Je connaissais ce vin de nom jusqu’en juin 2015, sans jamais l’avoir goûté. Je l’ai découvert sur le domaine des Huards à Cour-Cheverny. Le domaine vend actuellement la cuvée François 1er 2009. 2010 et 2011 ayant été également de belles années viticoles, il conviendra de retourner bientôt rendre visite à la famille Gendier qui gère ce domaine en production biologique. Ici les plus vieux cépages de la cuvée François 1er ont été plantés en …1922.
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis