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Ado je voulais être vieux pour être tranquille… mauvaise pioche !

Georges Chelon, cet auteur, compositeur, interprète a quelque chose d’un Cabu qui aurait troqué son crayon pour une plume exigeante et sensible. Fraternelle rencontre.

Vous êtes de cette génération à cheval sur deux siècles. Pensiez-vous, comme beaucoup de nos lecteurs, que l’on vivrait mieux aujourd’hui qu’hier ?

Quand j’étais ado je voulais être déjà vieux pour être tranquille… mauvaise pioche ! Au début mes chansons étaient une sorte d’exutoire personnel, axées sur ma personne, mes parents, mes amis… mes amantes. Si j’en étais resté là, j’aurais rapidement épuisé mon stock d’émotions personnelles. L’ouverture à d’autres problèmes vient de l’avancée en âge, de ma rencontre avec femme et enfants.
Avant, le monde se limitait à ce qui nous entourait immédiatement. Internet, la télé… nous ont ouvert un monde qui aujourd’hui a peur et fait peur. Il est pourtant à notre portée. Il faudrait que les gens évoluent au rythme de ces progrès qui permettent de se mettre « ensemble »… On a moins peur à plusieurs !

Comment avez-vous accompagné ce qui a tant changé ? Comment dernièrement accompagnez-vous les terribles évènements qui marqueront à jamais cette année 2015 ?

En chanson ! Je sens le public qui me suit en accord profond avec moi. Peut-être est-ce lui qui me souffle mes mots ? « La belle endormie »(1) écrite au lendemain de l’attentat à Charlie Hebdo est arrivée comme cela, toute seule, très rapidement. Cette tuerie de novembre doit nous inciter à la prudence sur les réponses à apporter. Des innocents vont payer l’intervention, sur le terrain. Cela ne peut qu’alimenter les ressentiments des musulmans, là-bas, comme leur stigmatisation, ici. Les racines profondes de cette situation ne sont pas que religieuses mais sont aussi économiques. Y compris dans ce qui conduit des gamins à la dérive à être récupérés pour commettre le pire. Ma chanson « J’ai peur »(1) écrite bien avant Charlie, dit tout cela.

 

Vos textes ont la force et quelquefois presque la forme d’un propos de presse… Comment vous vient une chanson ?

J’ai dû écrire 500 chansons. Quelquefois mes inspirations sont fulgurantes. C’est le travail qui fait « la » bonne chanson. Et il y a ces inspirations que l’on croit personnelles et intimes dont on s’aperçoit qu’elles font écho à des situations vécues par un grand nombre. Par exemple, je ne veux plus chanter ma chanson « Le père prodigue », mais on me la demande. À chaque fois que je l’interprète, je me remets dans la situation qui me l’a inspirée, il y a 50 ans. À relire les paroles, on voit à quel point elle est actuelle… Peut-être suis-je en train de vivre des situations dont je ne sais pas encore que j’en ferai une chanson. Il y a même des textes que je commence par la chute et à partir de laquelle je construis ce qui doit en arriver là !

Mettre Baudelaire en musique (2) c’est gonflé ou c’est un hommage ?

J’ai rencontré un prof qui voyait du Baudelaire en moi, disait-il. Rien que ça ! Il m’a donné à lire les Fleurs du mal. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai retrouvé Baudelaire, cet excellent parolier. Il y a un refrain dans ses poèmes. On sait peu qu’il a déjà été mis en musique de son vivant ! Lors de mes tournées, dans les moments creux, j’ai peu à peu mis ses poèmes en musique. Je les ai testés… et ça a marché… Il y en a même dans mon public qui ont eu une bonne note au bac grâce à moi !

Baudelaire, et maintenant les chansons libertines (3) et aussi des chansons pour les enfants (4), un répertoire hétéroclite !

Eh oui. Je suis en quelque sorte un créateur bipolaire ! Pour moi la belle langue - quel que soit le genre de littérature qu’elle porte - c’est la rencontre. Je suis un artisan à ce service-là. Je ne suis pas un modeste. Je suis fier de moi mais je n’en tire pas gloriole et en cela les médias m’aident… en m’ignorant un peu trop !


Georges nous raccompagne jusqu’au seuil de sa maison « au pays de Millet »(5) comme des amis avec qui l’on vient de passer un très délicat moment. Non Georges, Vie nouvelle n’est pas média à t’ignorer.

Propos recueillis par Pierre Corneloup


1. « La belle Endormie (Charlie) » et « J’ai peur » EPM, Universal
2. 3 coffrets de 2 CD « Georges Chelon. Les fleurs du mal, Charles Baudelaire » EPM, Universal
3. « Chansons à part » et « Chansons libertines » EPM Universal
4. « Dans la cour de l’école », sortie début janvier 2016
5. « Au pays de Millet » EPM Universal

 

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