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A la rencontre de Francesca Solleville

Jean Ferrat disait d’elle : « Francesca toute droite chante. J’allais dire fonce. Et son chant devient évidence, comme une part d’elle-même et des autres à laquelle on ne peut échapper. » Rencontre avec cette « fonceuse ».

Après avoir servi les tasses, elle s’agace d’avoir oublié d’éteindre le gaz sous la cafetière. Le dia-logue reprend et change de dimension parce qu’elle raconte sa vie. Une vie qui commence bien avant sa propre existence… et qui l’a façonnée. Francesca, c’est un arrière-grand-père parti de Sicile avec les « 1 000 de Gênes » en 1860 aux côtés de Garibaldi, pour sceller l’unité de l’Italie. C’est une arrière-grand-mère fondant en 1902, dans ce pays, le groupe Femme et Socialisme. Quant à son grand-père, fondateur - lui - de la Ligue des Droits de l’Homme italienne, il se réfugiera en France pour fuir le fascisme et créera le premier syndicat des travailleurs italiens dans notre pays.


Elle interrompt à ce moment son récit pour montrer un porte-encrier en métal finement ciselé que ces travailleurs italiens ont offert à ce grand-père « en signe d’hommage et d’estime pour son implication pour la lutte des prolétaires » comme le dit un petit carton jauni écrit en italien.
C’est en France que naîtra plus tard la petite Francesca d’une mère avec qui elle fera sa première manif en 1936 pour soutenir l’Espagne républicaine.

Un regard si bleu

Une brûlante et douloureuse fierté traverse son regard si bleu lorsqu’elle évoque - comme en contrepoint - cet autre grand-père, grand magistrat à Marmande dans le Lot-et-Garonne qui, dans un journal réactionnaire de l’époque, dénonce en 1942 toute sa belle-famille ! « Le jour où en plein repas, il a brandi cette Une de Gringoire, je me suis levée, réfugiée dans la cave et, assise sur un tonneau, c’est le parti de ma mère que j’ai pris ! » Et d’ajouter un petit sourire en coin : « le jour où le Maire de cette ville, dont une rue porte le nom de cet aïeul, a cru devoir m’inviter pour un récital, je lui ai demandé s’il avait bien écouté mon répertoire !…

Elle poursuit : « J’ai caché des Algériens pendant la guerre d’Algérie. Et aujourd’hui, me voilà mariée à un homme à particule dont le père l’a destitué pour s’être marié (pensez donc !) avec une chanteuse de cabaret ! Tout au long de ma vie, j’ai ainsi eu cette « chance » d’avoir dû faire le choix entre deux camps et de pouvoir choisir le mien. » C’est ce choix qui l’a conduite aux côtés de celles et ceux qui ont combattu le fascisme qu’il soit hitlérien ou franquiste, à militer pour la paix au Vietnam… Et qui la conduit aujourd’hui à dénoncer les graves dangers pour la République que recèlent l’état d’urgence ou la déchéance de nationalité. « La modification de la Constitution ? Ce n’est pas possible de changer en ce sens un texte né de la Révolution française ! »

Un caillou de lutte

« Mes chansons d’aujourd’hui sont accueillies comme l’étaient celles que je chantais il y a 60 ans. Le jeune public est un peu loin de ça. La guerre ? Ils n’ont pas connu ! Ils la voient ailleurs. C’est vrai pour ma fille que j’ai adoptée au Chili où le Se¬cours populaire m’avait envoyée du temps de Pinochet… Je suis obligée de me battre pour qu’elle vote ! » Il n’empêche que nombre de jeunes compositeurs inconnus envoient des textes et des chansons à cette femme dont Allain Leprest disait : « Francesca Solleville, c’est un caillou de lutte qu’on lance ».

Remplie d’émotions

« Ce qui est beau dans la vie c’est d’avoir des émotions. Certains n’en ont pas. Il vaut mieux en être bourré. Chanter pour les autres est une relation intime. Les mots chantés ne sont plus les mêmes qu’à leur origine. Mon émotion à moi, c’est d’avoir pu partager avec les autres. C’est le public vivant qui fait faire la moitié du chemin vers l’émotion. Plus encore que l’émotion, c’est l’honnêteté qui compte… Mais pour pouvoir faire ce choix, il faut être éduqué sur ce rapport fondamental. »

Lui suggérant, en conclusion, de dire une phrase pour les lecteurs de Vie nouvelle*, elle répond : « Qu’ils parlent de tout cela à leurs enfants et petits-enfants ! »

Mais ce n’est pas tout. La voilà partie dans la pièce voisine pour en revenir une casquette des choeurs de l’Armée rouge à la main. D’où sort-elle donc cet objet ? « C’était à Marmande dont nous parlions tout à l’heure. Les choeurs de l’Armée rouge y faisaient un récital. Dans le contexte du moment, j’admirais ce spectacle et ces hommes. J’avais 13 ans. Sans doute, dans les coulisses où je me rendais, l’un d’eux a-t-il vu en moi sa fille dont il se trouvait depuis trop longtemps séparé. Il m’a donné sa casquette. La voici ! » Elle s’en coiffe la visière drôlement penchée sur le côté. Quelle femme admirable !… Dans tous les sens du mot !


Propos recueillis par Pierre Corneloup

* Retrouvez le récit de cet entretien dans Vie Nouvelle à paraître

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