Les gilets jaunes ont envahi l’espace social, celui des carrefours de France et inondé l’espace politique et médiatique. C’est un événement dont il nous faut mesurer toute l’importance, sans ignorer les questions qu’il pose au mouvement social en général et aux organisations syndicales.
Les images de violence et les provocations racistes et antisémites que médias et gouvernement ont exploitées, la répression sauvage dont ils ont fait l’objet, n’ont découragé ni les gilets jaunes ni le soutien de la population. C’est dire si le mal-être est profond et la volonté d’en sortir déterminée.
Rien n’est moins spontané que ce mouvement qui a pourtant surpris par sa soudaineté et son ampleur. C’est la somme de souffrances et de désespoirs accumulés depuis des années qui a franchi les seuils de tolérance et s’est manifestée sous des formes inédites. Les réseaux sociaux ont joué un grand rôle évidemment, seul moyen d’agréger celles et ceux qui ne sont pas organisés dans les formes habituelles de contestation.
Le mouvement s’est nourri d’une certaine défiance à l’égard des politiques, mais aussi des organisations syndicales et il faut comprendre pourquoi. La raison principale est probablement que la majorité d’entre eux, salariés précarisés, isolés, sans emploi, ne sont pas touchés par l’action syndicale et n’en voient que les clichés médiatiques.
Or, il s’agit des classes populaires parmi les plus démunies qui ont toute leur place dans les syndicats. Et cela doit nous interroger. Cela doit interroger nos capacités à renforcer la CGT là où elle n’est pas implantée. Selon une étude du journal Le Monde, les gilets jaunes sont : employés à 33,3 %, ouvriers à 14,5 %, inactifs à 25 %, la plupart participaient à leurs premières manifestations et on a pu noter une forte présence de femmes. Bien que le mouvement se dise apolitique, 40 % se déclarent à gauche et seulement 4,7 % à l’extrême droite, contrairement aux représentations qu’en ont livrées les médias et certains ministres.
Le mouvement a mûri très rapidement en conscience et en revendications, il s’est élargi à la contestation de l’injustice fiscale et sociale, puis aux questions de la démocratie et des institutions au point de réclamer la démission du président.
Ces femmes, ces hommes, ces jeunes, ces retraités qui vivent de si grandes difficultés ne se rapprocheront pas spontanément des organisations syndicales. À nous d’aller à leur rencontre. Car comment ne pas reconnaître dans ce mouvement l’apport des luttes syndicales de ces dernières années ? Songeons aux retraités qui ont multiplié avec leurs neuf organisations, pétitions, tracts, manifestations avec parfois le sentiment d’être peu efficaces. Le résultat n’est pas toujours immédiat ni visible, mais retenons que rien dans nos actions n’aura été vain.
Nos actions et le mouvement des gilets jaunes nous donnent en réalité une bonne raison de continuer, le 19 mars, journée de mobilisations et de grève à l’appel de la CGT, FO, Solidaires, UNEF, UNL, UNL-SD et de préparer la mobilisations des retraités le 11 avril à l’appel des 9 organisations de retraités. Des rendez-vous de la colère et de l’exigence de solutions concrètes.
Pascal Santoni
Photo de Une : ©Normandie-actu/Archives
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