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Rencontre avec Vannina Santoni, chanteuse lyrique

À l’opposé de l’image compassée de la diva capricieuse, Vannina Santoni revendique d’être une chanteuse lyrique de son siècle. « Lyrisme pur, boule de feu dramatique », disent d’elle les critiques avertis. Cette trentenaire veut dépoussiérer cet art. Elle milite pour le mettre à la portée du plus grand nombre. Ce soir elle sera Pamina, l’héroïne de la Flûte enchantée de Mozart à l’Opéra Bastille. Pierre Corneloup l’a rencontrée pour Vie nouvelle.

Pierre Corneloup : Vous êtes née la même année que Maria Sharapova, l’année où disparaissaient Dalida et Marguerite Yourcenar et se révélaient France Gall et Vanessa Paradis… Comment vous sentez-vous en ces compagnies féminines ?

Vannina Santoni : Bien ! Je fais partie de ce monde des femmes qui ont dû et doivent se battre pour gagner respect, épanouissement et droits…Et il y a toutes celles qui vivent des choses atroces. Cette perception m’aide sans doute à interpréter les rôles qui me sont confiés. Dernièrement, au Théâtre des Champs-Élysées, j’ai interprété le rôle de La Traviata écrit dans le contexte des rapports sociaux de l’époque. Il s’agissait, pour moi, de le transposer dans les codes sociaux d’aujourd’hui en recherchant ce que peut ressentir une femme lorsqu’elle est bafouée et qu’elle en souffre. J’ai eu, de plus, cette chance d’être portée par la mise en scène conçue par une femme : Deborah Warner. La psychologie des femmes est différente de celles des hommes. C’est une heureuse évidence. Je suis féministe oui, mais pas une femme qui oppose les femmes et les hommes.

Comment alliez-vous l’exigence technique du chant et le lâcher-prise que demande le jeu de la comédienne ?

On se doit de respecter l’esthétique du compositeur. On ne peut tout se permettre mais il y a un espace. Et puis je chante comme je suis voilà tout. Quand je sors de scène je ne suis jamais contente de moi à 100%. Je sais que rien n’est jamais acquis. Je suis contente de moi à partir du moment où je pense que j’ai agi avec sincérité et honnêteté…C’est un métier fait d’exigences et de plaisirs et ma vie est aussi faite de beaucoup d’autres choses tout aussi importantes : avoir un travail, le couple, les enfants…

Le chant lyrique, c’est un chanteur (ou une chanteuse), un orchestre, des solistes, des chœurs, un chef… Comment se passe cette cohabitation ?

La pratique de la musique n’est pas possible sans bases solides. Chaque élément de ce collectif possède ces bases. Certains compositeurs suggèrent seulement des indications sur ce qu’ils veulent que nous interprétions. D’autres précisent dans la partition ce qu’ils veulent exactement. Nous avons tous le devoir de respecter cela….Mais on peut se permettre certaines libertés. Et chacun de nous fait bien sûr valoir sa personnalité artistique. Nous sommes tous en permanence à la recherche de la meilleure harmonie entre nous pour mieux servir l’œuvre que nous interprétons collectivement. Si l’un ou l’autre cherche à imposer sa vision ce n’est plus de l’art.

Vous avez commencé l’apprentissage du chant à la Maîtrise de Radio France. Comment l’adolescente que vous étiez choisit-elle de chanter Mozart plutôt que Madonna !?

Je n’envisageais pas du tout à l’époque faire carrière. Et j’ai continué à être une enfant, puis une ado, comme mes copines. Mais avec un gros plus par rapport aux autres enfants : la découverte d’un autre monde, de la musique, le fait de chanter avec les autres, de travailler ensemble pour arriver à un même but. Je n’ai pas vécu cela comme un privilège, mais je mesure aujourd’hui combien j’ai eu la chance de faire des choses que bien d’autres enfants ne connaissaient pas…et devraient pourtant avoir la possibilité de connaitre ! C’est sans doute ce qui nous a conduit, avec mon mari (chef d’orchestre) à créer Mahlerian Camerata, un ensemble qui s’efforce de faire découvrir la musique à celles et ceux qui n’en ont pas eu l’occasion ou les moyens, dans des lieux qui leur soient accessibles.

La trentenaire que vous êtes travaille à dépoussiérer un art encore trop inaccessible au plus grand nombre.

C’est indispensable à un moment où il y a grand besoin de soutenir et même défendre la culture. Un monde sans culture est un monde qui s’écroule. La culture c’est le vivre ensemble dans nos différences, c’est l’ouverture des esprits pour ne pas s’enterrer en se focalisant sur une seule chose, un seul style…Et c’est aussi un besoin et un moyen de s’évader. Il n’y a pas besoin de comprendre pour aimer. Oui une place pour assister à un opéra coûte trop cher. Ce prix est aussi la juste rémunération d’une somme de travail qui ne se résume pas au temps de présence de la représentation sur scène devant le public. On ne sait pas assez qu’au dernier moment, on peut trouver des places correctes à des prix très accessibles. Je vous encourage à en profiter pour « oser » l’opéra !

Propos recueillis par Pierre Corneloup 

Vannina Santoni Musiques en fête - "Qui la voce" de Bellini "I puritani" (6mn)


Vannina Santoni est Pamina dans « La flûte enchantée » de Wolfgang Amadeus Mozart à l’Opéra Bastille , du 27 avril au 15 juin 2019. Extrait. (2mn30)

Son site : www.vanninasantoni.com

Sa page Facebook : https://www.facebook.com/vannina.santoni

Vannina Santoni chante Juliette dans "Roméo et Juliette" de Gounod (4mn)

 

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