Les raisons évoquées pour justifier la réforme évoluent au fil des mobilisations. Sauver financièrement le régime par répartition, plus de justice, moins d’inégalités…Le projet Philippe-Delevoye suscite beaucoup d’incompréhensions et surtout de protestations. Pour une raison finalement simple : l’intention affichée à longueur de campagnes médias n’est pas le vrai but de la réforme.
La raison la moins crédible quand on sait que le patronat et les libéraux n’ont cessé de le combattre à sa création en 1945 et depuis. L’argument massue ? En 1945 il y avait 4 actifs pour un retraité, en 2019 il y a 1,5 actif pour un retraité. Certes, mais depuis 1945 la production de richesses a été multipliée par 22 ! De 100 milliards à 2200 milliards. La France de 1945 détruite, ruinée, saignée par la guerre a su créer le meilleur système de protection sociale et de retraite au monde et celle de 2020 ne pourrait pas le préserver ?!
D’ailleurs prétendre que notre système de protection sociale est en péril est un mensonge. La Sécurité Sociale est en excédent depuis 2014, elle aura remboursé la dette sociale en 2024. Le récent « trou » de 5 milliards a été fabriqué en lui faisant supporter le coût des mesures dites « gilets jaunes », alors que c’est l’Etat qui aurait dû l’assumer, le régime retraite dispose de fonds de réserve de plus de 150 milliards.
Si ce gouvernement était réellement soucieux du financement de notre protection sociale et des équilibres budgétaires, il n’aurait pas supprimé l’ISF ni réduit la fiscalité des revenus du capital. Il limiterait les exonérations de cotisations sociales qui se montent à 70 milliards en 2019, il combattrait sévèrement la fraude fiscale et l’évasion fiscale qui représentent près de 100 milliards. Et surtout il mettrait tout en œuvre pour développer l’emploi. Or il fait exactement le contraire en donnant l’exemple par la suppression de 80 000 emplois de fonctionnaires, en refusant de contrôler l’utilisation des dizaines milliards accordés au patronat avec le CICE et le Crédit Recherche Impôt, en n’intervenant pas dans les projets de délocalisation et de liquidation d’entreprises.
Emmanuel Macron ne recherche pas de nouvelles recettes qui pourraient déplaire au patronat mais ce faisant il justifie une réforme qui vise à réduire les pensions futures, après avoir réduit celles des retraités actuels. Pourquoi ? Pour inciter les futurs retraités à avoir recours aux assurances privées et aux fonds de pensions.
C’est la loi « Pacte » qui rompt avec l’interdiction faite aux fonds de pensions de gérer l’épargne, jusqu’alors considéré comme une rente abondant les régimes ARRCO et AGIRC. La loi autorise la sortie en capital de ces produits, ce qui les transformerait en produits financiers ordinaires. La réforme Philippe-Delevoye prévoit ainsi que les salariés ayant un revenu supérieur à 10 000 €/mois ne pourront plus cotiser au régime général au-delà de ce montant. Ils seront donc incités à « placer » une partie de leurs revenus dans des fonds de pensions et exposés ainsi aux aléas des marchés. En sortant les hauts salaires, 10 % des cadres, du régime de solidarité, le projet prive la Sécurité sociale de 7 milliards/an et fait un cadeau de 4,5 milliards de cotisations au patronat !
Si on rapproche la loi Pacte du projet de réforme on éclaire toute la logique de la politique d’Emmanuel Macron et on comprend aussi les difficultés à afficher clairement les motivations de la réforme, d’où la cacophonie des explications des ministres.
Le chiffon rouge agité autour de « la ligne rouge » de l’âge d’équilibre ou l’âge pivot de 64 ans vise à focaliser le débat sur cette seule question pour préserver l’essentiel : la retraite à points, qui réduira les pensions et qui individualisera la constitution de droits à la retraite. Deux conditions pour faciliter le recours aux fonds de pensions.
Quand c’est flou c’est qu’il y a un loup dit le dicton populaire. En réalité il y a une meute de loups, et le premier d’entre eux, le plus puissant des fonds de pensions, Américain comme il se doit, BlackRock, dont le président a été reçu discrètement par Emmanuel Macron cet été…
C’est l’ensemble de notre régime de protection sociale qui est gravement menacé. Nous avons toutes les raisons d’être nombreux dans les manifestations demain mardi et les suivantes. Nous serons nombreux.
Pascal Santoni
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