Qu’est-ce que l’exclusion numérique et qui concerne-t-elle ? Quelles en sont les conséquences ? L’obligation numérique ne limite-t-elle pas le libre exercice de la citoyenneté ?
C’est un phénomène qui est qualifié de façon très exagérée de “nouveau fléau social”. Il concernerait 13 millions de personnes, soit environ un tiers des plus de 15 ans.
Appliquée aux retraité.e.s cette exclusion organisée concerne aussi des publics éduqués, cultivés, qui ont fait leur preuve tout au long de leur vie professionnelle.
Le gouvernement annonce 100% de services publics dématérialisés en 2022. Mais déjà de nombreux services privés, champs commerciaux, culturels, bancaires … et autres, ne sont accessibles que par Internet.
C’est donc à un véritable apartheid numérique auquel on est confronté aujourd’hui car les pratiques numériques n’accompagnent pas l’humain mais tendent à s’y substituer de plus en plus systématiquement.
La lutte contre cette exclusion doit donc s’organiser sur au moins deux volets.
Le premier est qu’une alternative aux pratiques et formalités numériques continue d’être offerte aux usagers et aux clients. Les technologies numériques ne peuvent constituer le volet unique de fonctionnement de nos sociétés. D’autant que ces technologies ne sont pas aussi vertueuses qu’on veut nous le faire croire. Fragiles au plan sécuritaire, dévoreuses de matières premières rares extraites dans des conditions d’exploitation inacceptables, machines à supprimer des emplois, attentatoires aux libertés fondamentales et outils de surveillance généralisée, elles peuvent représenter de réels dangers si elles ne sont pas maitrisées démocratiquement.
Le second volet essentiel consiste en une approche quantitative et qualitative d’acquisition d’équipements matériels afin que chacun.e puisse accéder, pour le plaisir et pour l’indispensable de la vie courante, aux horizons ouverts par ces technologies.
Rendre le numérique obligatoire pour toutes les formalités administratives courantes entraine des obligations indiscutables de la part des Pouvoirs publics: aides publiques pour la fourniture de matériel et équipement, ateliers gratuits de proximité, animés par des professionnels formés, y compris aux pédagogies indispensables pour des publics peu ou pas familiarisés que sont notamment une partie de la population retraitée. L’entraide, qu’elle soit familiale, amicale, de voisinage ne peut suffire, d’autant qu’elle peut s’introduire de façon gênante dans des champs intimes de la vie des personnes.
La numérisation de la société ne doit pas se transformer en machine à perdre des droits et de l’autonomie mais au contraire contribuer à ouvrir de nouveaux horizons émancipateurs. Il y a de nombreux chemins revendicatifs à parcourir pour y parvenir.
Jacqueline Farache
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis