D’abord collecteur de paroles et chants traditionnels bretons, Erik Marchand en devient un interprète connu et reconnu. Il s’attache à les associer à d’autres musiques traditionnelles de par le monde, comme à d’autres styles de musiques. « Ce qui est premier pour moi, ce sont les rencontres humaines. »
De mère périgourdine et de père gallo-lorrain, le Parisien que vous êtes devient, à l’âge de 20 ans, grand découvreur et interprète de la culture bretonne. Quelle est votre chemin, quelle est votre identité de référence ?
L’identité familiale est une chose, mais elle n’est pas toute votre identité. L’identité, ça se fabrique. En ce qui me concerne, la vie familiale qui a été la mienne a sans doute contribué à une approche plus complexe. C’est plutôt la musique qui a forgé mon identité profonde. En me faisant voyager, en me faisant découvrir d’autres pratiques et d’autres modes de vie. Ce qui est premier pour moi, ce sont d’abord les rencontres humaines entre personnes aux histoires, aux goûts et aux penchants divers.
Au-delà de leurs origines géographiques, vous cherchez à confronter la musique bretonne à d’autres styles : jazz, rock, blues, rap…
Je ne crois pas à l’universalité des choses ou des gens. Je suis très accroché aux musiques dites populaires tout simplement parce que la connaissance et la reconnaissance de l’autre, qui est forcément différent de vous, est, pour moi, très importante. Certes, on peut partout rencontrer des gens qui pensent a priori comme soi et en rester là… Mais, heureusement, à mieux les connaître, on s’apercevra très vite que ce « comme soi » ne les résume pas. Il y aura en eux cette part de différence d’approche des choses de la vie qui va évidemment transparaître dans leur musique. Cette rencontre peut être une confrontation. Elle est avant tout une rencontre, possiblement, jusqu’au mariage. Et, c’est à ce titre qu’elle est une grande force de création !
Qu’est-ce qui vous a amené à recréer la chanson de Jacques Brel Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
J’ai repris cette chanson parce qu’elle est liée à la revendication sociale et à l’idée de la rencontre plutôt qu’au conflit entre les peuples à propos de clivages qui, sur le fond humain, n’existent pas vraiment entre eux. Cela fait plus de dix ans que j’entretiens des relations étroites avec les musiques des Balkans. Pourtant, lorsque je séjourne en Roumanie et qu’on se retrouve entre musiciens, j’ai l’impression d’être dans la salle des fêtes de mon village breton : même ambiance, mêmes lueurs d’intérêt dans les yeux des gens, mêmes aspirations… Ce constat doit bien traduire ce quelque chose de plus profond que cette belle chanson de Jacques Brel exprime à sa façon ?
On vous reconnaît une réelle maîtrise des musiques dites modales. Je note qu’en ajoutant 2 lettres, un « n » après le « o » et un « i » après le « d », musique modale devient musique mondiale. Quelle signification ?
La musique modale s’inscrit, en effet, dans cette dimension mondiale. C’est une manière de pratiquer, penser et faire vivre une musique qui permet - grâce à une gamme particulière - de jouer ensemble d’une façon nouvelle préservant, cependant, l’expression des origines ethniques et culturelles de chacun. Sur cette trame commune, les musiques peuvent ainsi dialoguer entre elles et se traduire par une création commune.
Décidément, votre fil rouge, c’est rassembler ! Aujourd’hui, les mots « distanciation » et autres « gestes barrières » doivent être, pour vous, particulièrement terribles ?
Cette situation est terrible pour tout le monde ! Ma musique est aussi faite pour danser. Or, danser, c’est le contraire de la distanciation et des gestes barrières ! Danser, c’est se rapprocher, se confondre, se toucher ! Les plus anciens me disent que même pendant la guerre, il y avait, en Bretagne, une liberté de vie plus évidente, plus claire qu’actuellement. Les fest-noz ont continué d’exister dans les petits villages… L’occupant se gardait bien d’aller voir ce qu’il s’y passait ! Aujourd’hui, personne n’est à l’abri…Et convenons que cette pandémie ne facilite pas la tâche pour ouvrir les frontières !
J’ai cru comprendre que vous étiez en retraite sous peu. C’est quoi la retraite pour Erik Marchand ?
J’ai été intermittent du spectacle - je suis syndiqué à la Cgt ! - une grande partie de ma vie. Ces dernières années, j’ai pris le statut de directeur de notre association DROM* qui promeut les musiques modales et populaires de Bretagne et d’ailleurs. C’est de cette responsabilité que je prends la retraite. Je ne vais pas arrêter le processus de création musicale pour autant… Bien que, du côté de la voix, comme des genoux, on ne soit plus aussi souple à 65 ans !
Propos recueillis par Pierre Corneloup
*DROM est une association de promotion et de transmission des cultures populaires de tradition orale et de musique modale. Pour en savoir plus : http://www.drom-kba.eu/
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