La COP28, qui vient de se conclure à Dubaï, débouche sur un texte final entérinant des avancées réelles, autant qu’inespérées, par rapport aux négociations précédentes. S’il convient de saluer ces progrès, les lignes directrices tracées par cette COP – censées orienter les politiques nationales de lutte contre le changement climatique – ne sont toujours pas à la hauteur de l’urgence environnementale et sociale.
Pour la première fois depuis le début du processus des COP en 1992, on y trouve mention explicite au fait de « renoncer aux combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques […] afin de parvenir à un bilan net nul d'ici à 2050, conformément aux données scientifiques ». Ce n’était pourtant pas gagné, tant les manœuvres honteuses de la présidence émiratie et des principaux États pétroliers pour éviter de voir apparaître un tel langage ont été intenses, faisant même jouer les prolongations de 24 heures aux négociations. Une avancée qui permet de conserver un brin de crédibilité à l’objectif de maintenir le réchauffement en dessous des 1,5°C et d’espérer que les températures se maintiennent bien en-dessous des 2°C, alors que les trajectoires actuelles des pays nous amènent vers des températures allant jusqu'à +2,7°C.
La CGT rappelle que chaque dixième de degrés en trop compte et aura des conséquences catastrophiques qui affecteront la vie de milliards d’êtres humains, forceront la migration pour centaines de millions d’entre elles et eux et entraîneront vers une mort – pourtant évitable – de trop nombreuses personnes.
Néanmoins, ces mentions importantes ne resteront que de belles intentions, si elles ne sont pas accompagnées de politiques conséquentes et c’est ici que le bât blesse. De nombreux flous restent présents dans les formules utilisées, laissant la porte ouverte à une exploitation continue de certaines énergies fossiles pendant cette période de transition. Des solutions technologiques sont aussi fortement plébiscitées alors que beaucoup d’entre elles ne sont pas éprouvées.
C’est aussi sur la question de la justice sociale et climatique que les résultats sont infiniment loin du compte. Puisque les États riches et principaux responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre continuent de faire un pied de nez au principe politique de « responsabilités communes et différenciées », central dans les COP. Et, sans mécanismes de coopérations, sans réel transfert de technologie et sans moyens conséquents alloués aux pays en développement, la transition restera un vœux pieu. Sur tous ces aspects, les engagements concrets sont à mille lieux des objectifs.
La CGT tient d’ailleurs à souligner que la situation en Palestine a pesé lourdement sur l’atmosphère de la COP, tant l’hypocrisie était patente de parler de coopération mondiale en parallèle d’un génocide disposant du soutien d’une partie de la communauté internationale, États-Unis en tête.
D’autre part, les inégalités de classe continuent d’être invisibilisées aux COPs. Quand 50% des émissions sont imputables aux 10% les plus riches de la planète et que les 1 % les plus riches du monde ont une empreinte carbone moyenne 200 fois supérieure à celle des 10 % les plus pauvres, comment prétendre à une solution réelle et juste sans s’attaquer aux inégalités ? Les multinationales, plus gros pollueurs et agents principaux de ces inégalités monstres, restent bien éloignées des radars de la COP, si ce n’est en coulisse pour signer des contrats et défendre leurs intérêts ! Sans reprise de contrôle démocratique sur leurs activités, les politiques climatiques auront toujours un angle mort béant.
La délégation CSI, au sein de laquelle participait la CGT, a gagné l’intégration de la « reconnaissance au droit du travail » pour la Transition juste, terme qui apparaît pour la première fois dans un texte des COPs, et la reconnaissance de la « protection sociale » comme nécessaire aux politiques d’adaptation. Ces résultats, qui sont des points d’appui indispensables pour la suite et le fruit d’un travail revendicatif constant de de la CSI et ses affiliés, sont cependant bien maigres au regard des revendications que nous portons. Les oppositions actives de nombreux États à l’incorporation de nos revendications et le petit arc-de-force de gouvernements qui les soutiennent réellement l’expliquent et témoignent d’un rapport de force très dégradé.
De ce point de vue, que la COP s’organise, pour la deuxième fois de suite, dans un pays où les libertés syndicales et publiques sont inexistantes, est un message politique inquiétant de ce qui est jugé tolérable par de trop nombreux gouvernements.
Pour la CGT, seule une transformation sociale d’ampleur allant à l’encontre de la logique du système capitaliste pourra réellement répondre à l’urgence sociale et environnementale, avec au centre les intérêts des travailleuses et travailleurs et valorisant la coopération entre les pays, en lieu et place du tout-marché et de la concurrence généralisée.
La CGT continuera à travailler au quotidien à la mobilisation du monde du travail dans cet objectif de justice sociale et environnementale et réaffirme son engagement internationaliste à construire une alternative globale.
Montreuil, le 15 décembre 2023
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