Que de vertus attribuées au basilic ! De la médecine à la cuisine, il enchante et régale depuis des lustres. L’été est la saison propice, profitons.
Dans le potager de ma mie, pousse l’herbe royale ! Pour qui a eu vent de cette étrange coutume interdisant aux dames, surtout lorsqu’elles étaient « impures", de s’approcher de la plante, cela frôle la revanche… Il est vrai que ce diable de basilic est entouré de multiples légendes !
Originaire, semblerait-il, du pays des maharadjahs, il est l’enfant chéri de Vishnou, aussi bien que de Krishna. Gare au simple mortel, fut-il de la plus haute caste, osant le maltraiter. Il serait privé de bonheur, tout autant que d’enfants.
Élément incontournable de cette médecine ayurvédique mise au point quelques milliers d’années avant le mystérieux enfantement de Marie, on l’a paré d’innombrables vertus. Grippe, rhume ou maux de tête, fièvres, aphtes, éternuements, rhumatismes, brûlures ou saignements, troubles de l’estomac, du coeur ou du sommeil, stress, cholestérol et pourquoi pas diabète, ses bienfaits seraient presque infinis… Si l’on ajoute qu’il favoriserait grossesse et lactation, soulagerait des piqûres d’insectes, repousserait les mouches et chasserait les vipères, on comprend mieux le terme d’incontournable accolé à cette lamiacée dont usaient les Egyptiens lors de l’embaumement !
Glissé entre les seins de la mariée, il conjurerait les penchants infidèles et retiré du rebord de la fenêtre signifierait que le jeune homme peut venir conter fleurette ! Et pour faire bonne et plaisante mesure, le bougre serait source de longue vie et plus encore aphrodisiaque…
Après avoir conquis l’essentiel de l’Asie, notre “Reine des herbes” fut bien vite adoptée dans tout le bassin méditerranéen. Au-delà de ses usages médicinaux et religieux, voire méphistophéliques, comme en témoigne ce mythe des sorcières en enduisant leurs balais, histoire de mieux voler, ses flaveurs eurent tôt fait d’enchanter nos palais. En mettant de côté le sacré, dit “Tulsi”, droit venu des Indes, il en existe plus de cent cinquante. Je reconnais cependant éprouver une pointe de dépit à l’idée de méconnaître tant de variétés ! Et dire que je n’en utilise pas même le dixième !
Certes, le Grand vert, souvent nommé Romain fait merveille avec la pomme d’amour. Mais il enchante également tous les légumes du soleil. Dans la famille des grandes feuilles, on pourra lui préférer le Marseillais, tirant sur l’estragon, le tendre à feuilles de laitues, le “Géant monstrueux”, autrement dit le Mammouth ou le cousin Génois, le seul à bénéficier d’une appellation d’origine protégée dans sa région de Ligure. Je recommande ce dernier pour concocter ce pesto tant prisé des italiens. L’herbe tonique et digestive croissant dans le jardin des simples est pilée avec ail, huile d’olive, pignons de pin et parmesan. Si l’on oublie le troisième, on obtient le pistou dont mes amis provençaux se régalent. Un délice dans la soupe, sur les pâtes ou le riz.
Sur les viandes blanches, les volailles, le lapin ou les poissons, je préfère me tourner vers les petites feuilles, tel le Fin vert, légèrement poivré, ou le Grec, humant un peu la girofle. Si je me lance dans les gastronomies asiatiques, j’opte pour l’odorant Thaï et me garde d’oublier l’Africain bleu, l’Osmin rouge, ceux vêtus de pourpre ou fleurant bon anis, cannelle, citron, camphre, gingembre, jasmin, réglisse ou menthe. Une sacrée panoplie, permettant de jongler sur les couleurs et les saveurs pour composer de délicieuses salades, travaillées avec huile d’olive et citron, que l’on agrémentera volontiers de fromage frais, mozzarella par exemple ou d’inventifs carpaccios. Les œufs et les terrines apprécient pareillement sa compagnie.
Il serait tout de même dommage de passer à côté des curieux, mais savoureux mariages avec le chocolat, la mangue, l’ananas, les fraises, le melon ou les pastèques, les pêches ou l’abricot !N'en déplaise aux industriels, le sécher lui ôte ses fragrances. Si vous souhaitez le conserver, un pot, à l’abri de la lumière. Pincée de sel. On couvre d’huile d’olive. Ma préférence va toutefois au tout frais, cueilli à la rosée. C’est sur la touche finale qu’il convient de l’intégrer à vos préparations, en le ciselant au couteau. Préparé à l’avance, il s’oxyde et noircit. Quant à la cuisson, elle l’indispose, le chagrine et l’offense, lui faisant perdre ses parfums et le rendant muet. Quel dommage !
Jacques Teyssier
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis