Brigitte Fontaine, Jacques Higelin, Jean-Roger Caussimon ou Naná Vasconcelos… Nous avons tous eu, un jour, un disque Saravah entre les mains. Le label subversif, épris de liberté et de métissage fête, cette année ses cinquante ans. En musique.
« Il y a des années où l’on a envie de ne rien faire », cette devise, la maison de disques Saravah l’applique depuis un demi-siècle. Le plus vieux label indépendant français souffle cette année ses cinquante bougies. « C’est une belle aventure », résume Pierre Barouh, son fondateur. Digne d’un film, elle commence sur le tournage d’Un Homme et une femme en 1966 avec les notes du tendre « dabadabada » entonné avec Nicole Croisille.
La légende veut que la maison de disques qui a lancé Jacques Higelin, Brigitte Fontaine et amené la Bossa Nova en France soit née du succès du film de Claude Lelouch. Pierre Barouh y interprète un personnage. Il signe aussi la bande originale avec le complice de toujours, Francis Lai. « Saravah est en réalité née de l’insuccès du film », précise-t-il. « Le projet était en mal de financement, et nous avons créé les éditions Saravah pour permettre à Claude de continuer. » Palme d’Or à Cannes, deux Oscars à Hollywood. Le film est un immense succès. La bande son aussi : Un homme, une femme bien sûr, mais aussi la Samba Saravah.
Pierre Barouh a maintenant 82 ans. Sa voix a vieilli mais l’énergie est là. La douceur aussi quand il entonne la chanson qui a donné son nom au label et qu’il en raconte l’histoire. En 1965, l’artiste s’est entiché du Brésil et de sa musique. Il y tourne un documentaire sur la Bossa Nova. Cinq heures avant le départ de l’avion qui le ramène en France pour tourner Un Homme, une femme, et après une nuit sans sommeil, il enregistre dans un appartement La Samba Saravah aux côtés de ses amis Baden Powell et Vinicius de Moraes, monstres sacrés de la musique brésilienne. Une seule prise qui sera utilisée telle quelle pour le film. Pour Pierre Barouh, la chanson devient un symbole. « Elle a conditionné le son Saravah, cette part belle donnée à l’improvisation, au partage. »
Car, plus qu’une entreprise, Saravah c’est l’histoire d’une passion, d’une bande qui s’agrandit au gré des rencontres dans les bistrots de Montmartre, d’une grande famille qui suit le sillon tracé dans le vinyle par l’infatigable découvreur de talents. « Il n’y a jamais eu de plan, j’aime me laisser guider par les émotions », s’amuse l’auteur de La Bicyclette ou Des ronds dans l’eau. De sa curiosité, de son amour des mots et du métissage sont nées les carrières de Naná Vasconcelos, Pierre Akendengué, Jean-Roger Caussimon, David Mc Neil, Areski Belkacem ou Fred Poulet.
En cinquante ans, les choses ont changé. Le studio avec pignon sur rue qui jouxtait une charcuterie dans le quartier parisien des Abbesses n’est plus. La maison de disques tourne désormais depuis la Vendée. À son amour du Brésil, Pierre Barouh a ajouté celui du Japon. Il y a notamment enregistré Le Pollen, où l’univers de la chanson française se mêle aux sonorités nippones. L’ancienne devise de la maison de disques a été complétée. À l’heure où les succès se font et se défont parfois en quelques clics, le label historique s’autoproclame « roi du slow business ». Chez Saravah, on ne produit plus qu’un disque par an. « Ici, le temps sert de filtre. Chansons et artistes ne sont pas forcément voués au succès immédiat. Mais leur travail est fait pour durer. » Comme la maison de disque.
Camille Drouet
Ecouter/télécharger le disque des 50 ans de Saravah
Article paru dans Vie nouvelle n°196
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