La contrefaçon des médicaments rapporte vingt fois plus que le trafic de drogue et dix fois plus que la fabrication de fausse monnaie… Le fléau touche tous les pays, y compris le nôtre. Chaque année, elle fait près d’un million de morts. État des lieux d’un trafic juteux.
Le médicament n’est pas un produit anodin. Il aide à guérir, mais peut avoir des effets nocifs. Comme toute marchandise, il est aussi victime de contrefaçon ou de falsification. Un désastre qui se répand dans tous les pays. Contrefaire des médicaments est un filon juteux pour les trafiquants. Ainsi en 2010, les ventes de médicaments contrefaits dans le monde étaient estimées à 75 milliards de dollars (1). Plus récemment, une étude(2) évalue les montants à 200 milliards de dollars.
Une enquête menée dans 14 pays européens a conclu que le marché des faux médicaments serait de l'ordre de 10,5 milliards d'euros par an dont près d’un milliard pour la France.
Aucun pays n’y échappe, même si l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine sont les plus touchés. Dans ces pays, c’est plus de 60 % des médicaments destinés à traiter des affections potentiellement mortelles (paludisme, VIH…) qui seraient contrefaits :antibiotiques, analgésiques, antiparasitaires, produits sanguins… Les victimes meurent dans l’indifférence...
Dans les pays industrialisés, les produits ciblés sont différents mais l’objectif est le même : faire un maximum de profits. Tant pis pour les conséquences sur les personnes abusées.
En avril dernier, la mort du chanteur Prince par surdose de médicaments soupçonnés d’être falsifiés a fait la Une des journaux, notamment aux États-Unis où la contrefaçon de médicaments a été multipliée par 10 entre 2005 et 2010.
L’Europe n’est pas épargnée. Plusieurs réseaux se partagent le marché du faux : antiasthmatiques, anorexigènes, anticholestérolémiants, antiulcéreux, anticancéreux, antidépresseurs…
Le système de santé français et ses modalités de remboursement des médicaments nous permettent encore d’être un peu mieux protégés de cette calamité. Des menaces existent néanmoins, avec les achats sur Internet de produits ciblés par les trafiquants : pilules amaigrissantes, produits érectiles, compléments alimentaires, mais aussi des anti-inflammatoires, antidouleurs, antiseptiques, produits dopants ou anabolisants.
Le combat contre ce fléau mondial de santé publique exige une parfaite synchronisation des services de lutte contre la fraude dans les différents États. Ainsi, en juin 2016, l’opération « Pangea IX », coordonnée par Interpol, a permis un grand nombre d’arrestations et de constatations dans le monde entier ainsi que la saisie de milliers de médicaments potentiellement dangereux. Dans cette seule opération, les douanes françaises ont intercepté 961 192 produits illicites et 1 422 kg de produits de santé en vrac. Plus de 77 % des produits saisis provenaient d’Asie (64 % d’Inde).
Cinquante-cinq sites internet illégaux de vente de faux médicaments ont été identifiés. Les douanes françaises sont en première ligne de cette guerre. En 2013, les douaniers du Havre ont saisi plus de 1,2 millions de sachets d’aspirine de contrefaçon. En 2014, ce sont 2,4 millions de médicaments contrefaits dissimulés dans deux conteneurs en provenance de Chine qui ont été interceptés.
En 2015, c’est plus de 173 000 contrefaçons de médicaments qui ont été découvertes, pour la plupart dans des colis ou des enveloppes suite à des commandes sur Internet. Un bilan certes impressionnant, mais qui, avec d’autres moyens revendiqués par les syndicats, pourrait être encore plus important.
Hélène Salaün
(1) Le Center for Medicines in the Public Interests
(2) World Economic Forum
"Les douaniers sont souvent à l’honneur pour leurs résultats dans la lutte contre les contrefaçons et pourtant les effectifs de notre administration*, jugée non prioritaire, sont en constante diminution.
D’un peu moins de 22 000 en 1993, les douaniers ne sont plus que 16 400 en 2016 et vont perdre 250 postes encore en 2017.
La fraude via Internet se développe. Les moyens mis en place pour la combattre sont très insuffisants : « Cyberdouane » c’est seulement 10 agents (passés à 16 après les attentats). C’est dérisoire !
Les contrefaçons de toutes sortes et le trafic de stupéfiants financent le terrorisme. On le sait, on fait quoi ?"
* La Direction générale des douanes et droits indirects dépend du ministère des Finances
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