Si la question du partage du travail se pose aujourd’hui avec force, le rapport entre la solidarité collective et les conditions de l’allongement de la vie mérite la même attention. C’est dans cet esprit que la LDH a initié, avec la Macif, l’Ires, la CGT Rhône-Alpes et d’autres partenaires européens, un travail d’expertise et de propositions relatif à la situation des aidant-e-s.
La charte européenne de l’aidant familial le définit ainsi : « la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne… »
Aujourd’hui, on estime que 15% de la population active aide un proche en situation de handicap, frappé par la maladie ou dépendant. Toutes les générations sont touchées dans leurs conditions de vie et de travail, sachant que les femmes sont globalement plus sollicitées que les hommes. Toutes les statistiques qui touchent à ce sujet démontrent que cette situation ne fait qu’aggraver les inégalités salariales certes, mais aussi relatives à la sécurité de l’emploi.
Les aides compensatrices sont loin de combler une différence qui aggrave une situation où les Pouvoirs publics et les entreprises n’assument pas leur devoir à la hauteur de l’enjeu. Les tendances auxquelles on peut s’attendre dans l’avenir avec le vieillissement de la population française et européenne d’ici la moitié du XXIe siècle obligent à des propositions de solutions alternatives urgentes.
Dans le numéro de septembre 2016 d’Homme et libertés(2), Antoine Math, de l’Ires, fait la synthèse de son rapport ciblé sur l’articulation entre l’activité professionnelle et l’activité d’aide. S’il reconnaît que beaucoup d’efforts sont faits pour permettre aux aidant-e-s d’assumer leur engagement dans des contextes variés qui aboutissent souvent à des situations paradoxales, « la question de l’impact sur les rémunérations des aidant-e-s n’est quasiment jamais posée, ni au niveau politique, ni au niveau des entreprises. » Il en ressort une première pénalité dont les femmes sont les premières victimes, dans le cas de la prise en charge des enfants dans le cycle de la scolarité. Il en conclut que « dans tous les cas rien ne devrait justifier qu’une personne ait à renoncer à un poste, à un emploi, à un secteur d’activité, à son métier pour s’occuper d’un proche ».
Dans la foulée, Daniel Prada et Esméralda Arozaréna-Nazzaréni, de la Cgt Rhône-Alpes, développent, à partir d’une même analyse de l’existant, une série de propositions concrètes qui comblent le vide actuel, le constat étant fait qu’« il existe peu d’accords négociés. C’est le cas pour le secteur privé mais aussi pour le secteur public. Et quand ils existent, ces accords concernent des grandes entreprises ».
Il faut commencer par la reconnaissance du rôle de l’aidant-e. La Cgt a produit un dépliant à l’attention des syndicats CGT Rhône-Alpes(3), qui a été présenté au congrès de Marseille, début 2016, ainsi qu’une série d’initiatives tant vis à vis des Pouvoirs publics que des intéressés pour engager une mobilisation pour de nouveaux droits à inscrire dans le code du travail.
Cette reconnaissance étant établie, il faut tirer sur une deuxième corde, celle de la Sécurité sociale. Selon la Cgt, « la perte d’autonomie, quel que soit l’âge, relève d’un problème de santé ». Vu l’ampleur du sujet, il faut donc actionner à la fois la question des droits et celle de la couverture sociale, ce qui ne se fait que trop partiellement.
La question de la liberté de l’aidant-e à organiser sa vie, sans être exclu-e du monde du travail, est mise en exergue par Maria Merelli selon le principe suivant acté par les Pouvoirs publics italiens : « la loi sur les congés parentaux promeut l’engagement et la responsabilisation des entreprises dans la conception des formes flexibles d’organisation pour permettre aux travailleurs de concilier plus aisément la présence au travail avec les temps et engagements familiaux. » Ceci démontre que le rapport du citoyen à l’État est très différent en France et en Italie et alimente donc le débat sous un angle différent.
Claire Champeix, de l’association Eurocarers, expose en conclusion du dossier d’Information et Libertés les dix principes qu’elle défend :
– la reconnaissance des aidant-e-s qui doit se refléter dans les politiques les impliquant;
– l’intégration sociale ;
– l’égalité des chances ;
– le choix de devenir aidant-e ou non ;
– l’information et la formation pour gérer leurs activités ;
– le soutien financier, pratique et psychologique et l’accès aux soins formels ;
– le temps libre et le droit au répit ;
– la conciliation de la vie active avec les responsabilités relatives aux soins ;
– la protection de la santé ;
– la sécurité financière (indemnités de remplacement de revenu, assurance accident, versement de pension de retraite pour éviter un appauvrissement lié aux activités de soins.
Cette approche collective relative à la situation des aidant-e-s démontre les points de convergence du mouvement associatif et syndical qui, dans sa diversité, aspire à « faire bouger les lignes » pour reprendre une expression de Daniel Prada. La prise en compte du sujet par une démarche européenne alternative autant que respectueuse de la culture sociale existante dans chaque pays montre le chemin à suivre pour que les aidant-e-s ne soient pas toujours les « dindons de la farce » d’une utilisation mercantile de leur engagement. Reste la mobilisation sur le terrain qui seule sera déterminante.
Yvon Huet
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis