Dans 112 villes en France des dizaines de milliers de retraité-e-s ont manifesté leur rejet de la hausse de la CSG. Ils étaient deux fois plus nombreux que lors des précédentes manifestations. Vécue comme une profonde injustice cette mesure, dont on peut douter de la légitimité voire de la légalité, qualifie la politique du président : alourdir l’impôt du plus grand nombre pour réduire celui des plus riches.
Dans l’entretien qu’il a accordé sur 21 pages au Point du 31 août dernier, Emmanuel Macron explique pourquoi il veut réduire de manière injuste et autoritaire la pension de 60% des retraités en ces termes : « nous supprimons donc3,15 points de cotisation sur les salaires pour les transférer sur la CSG. Ce sera un gain de pouvoir d’achat pour tous les salariés et les indépendants (…) Les contributeurs nets seront les 60% de retraités les plus aisés(…) Les pauvres d’aujourd’hui sont moins souvent les retraités que les jeunes. Je leur demande donc, pour les plus aisés, un effort, je l’ai dit. Et leur effort permet de récompenser le travail. La baisse de cotisation est tout sauf anecdotique et représentera plus de 250€ par an au niveau du Smic ».
Précisons ici que cette double mesure consiste à réduire les pensions des retraités via une augmentation de CSG de 1,7%. Tout retraité qui perçoit une pension mensuelle nette supérieure à1 200€ serait concerné et il se dit qu’elle s’appliquerait aux retraités vivant en couple dès lors que le cumul des deux pensions dépasserait1 800€ par mois !
Cette différence de traitement qui taxe les retraités est-elle conforme au droit ?On remarquera que cette taxation supplémentaire des retraités, via la CSG, est destinée à supprimer la cotisation chômage et la cotisation maladie, retenues sur le bulletin de paie des salariés. Ce qui doit se traduire par une augmentation du salaire net sans que cela ne coûte un centime à l’employeur. Mais un tel transfert est-il conforme au droit de ce pays et au traitement égalitaire des individus ?
Du fait qu’ils sont retraités, plus de quinze millions de Français ne peuvent ni s’inscrire à Pôle emploi, ni percevoir le chômage. Comment le président de la République, garant des institutions, peut-il justifier qu’ils doivent cotiser pour le chômage via une augmentation de la CSG, quand il supprime la cotisation chômage pour les actifs qui, heureusement, peuvent bénéficier des indemnités de chômage quand ils sont privés d’emploi ?
À supposer qu’il arrive à sortir de sa somnolence estivale ces prochains jours, le Conseil constitutionnel, présidé par Laurent Fabius, devrait regarder si le président de la République et le gouvernement qu’il a nommé agissent conformément au droit en remettant en cause les droits à pension acquis par 9 à 10 millions d’hommes et de femmes, via cette hausse arbitraire de la CSG.
Car le montant de la retraite de base payée par la Cnav et celui des retraites complémentaires du privé ont calculés en fonction des cotisations versées au cours de la carrière professionnelle de chaque salarié. Pour le calcul de la pension payée par la Cnav, on est passé, progressivement, de la prise en compte des dix meilleures années jusqu’en en 1993, aux 25 meilleures années en2008, suite à la mise en place de la réforme Balladur. Il en a résulté une baisse sensible des pensions pour de nombreux retraités au fil des ans, surtout ceux qui sont nés après la seconde guerre mondiale.
Avec cette augmentation intempestive de la CSG, le président Macron remet en cause un droit acquis pour tout salarié ayant cotisé, alors que ce droit est connu au moment du départ en retraite via le calcul de la pension. Nous assistons, là, à une extorsion de fonds doublée d’une escroquerie. Car nous entrons dans un processus pervers, spoliateur et dangereux. En imposant plusieurs augmentations de la CSG aux retraités durant ce quinquennat et les suivants pour financer des baisses de cotisations dont ils ne profitent pas, on pourrait réduire à la portion congrue des pensions qui n’ont connu aucune augmentation depuis quatre ans. Voilà pourquoi l’attitude du président de la République est ignoble et inadmissible dans cette affaire !
Surtout qu’au lendemain de la publication des ordonnances sur la nouvelle loi travail, on apprenait que les profits des 40 principaux groupes cotés à la Bourse de Paris s’élevaient à51,6 milliards d’euros au premier semestre2017, soit une augmentation de 25% par rapport aux six premiers mois de 2016. On tablait dans la foulée sur90 à 100 milliards de profits sur l’année 2016 pour LVMH, Total et38 autres firmes et banques, pendant que les retraités sont mis à contribution pour permettre à ces grands groupes d’augmenter les salaires nets de leurs personnels sans débourser un centime. Les retraités et les fonctionnaires en activité paieront à leur place !
Comme si cela ne suffisait pas, Emmanuel Macron annonce au Point que l’Impôt de solidarité sur la fortune(ISF)ne concernera plus que les biens immobiliers tandis que les profits des capitaux flottants qui servent à spéculer en Bourse d’un bout à l’autre de la planète en seront exonérés. Qui plus est « nous baisserons l’impôt sur les sociétés au cours du quinquennat jusqu'à 25% », précise Macron au Point, alors que cet impôtprélevait33% des bénéfices nets déclarés jusqu’à présent. Nous voyons ainsi que les grands patrons sont les principaux bénéficiaires de l’augmentation de la CSG. C’est scandaleusement injuste et nous ne pouvons l’accepter quelle que soit notre sensibilité politique ou syndicale.
Gérard Le Puill
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis