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Olivier Saladin : "Quand on vit dans le laid, on pense laid"

Connu comme l’un des Deschiens d’hier, aujourd’hui comme le lyrique Docteur Pluvinage de la série télé Boulevard du Palais, Olivier Saladin diffuse une modestie qu’il érige, sans en avoir l’air, en exigence professionnelle et engagement citoyen.

Est-ce que ces références aux Deschiens et à cette célèbre série télé vous pèsent ?

Olivier Saladin : Non ! On n’est pas maître de son image. Cette « célébrité télégénique » est curieusement inversement proportionnelle à celle découlant de mon travail au théâtre. Sur scène, la popularité se limite à la capacité de la salle alors qu’un point d’audience à la télé, ce sont des centaines de milliers de gens qui en un soir vous ont vu.

Dans Boulevard du Palais vous semblez particulièrement complice de Jean-François Balmer. L’êtes-vous dans la vie ?


Olivier Saladin : Je ne suis pas intime avec J-F Balmer. C’est un homme bienveillant. Je me sens très en sécurité lorsque je joue avec lui.

On vous voit souvent dans des seconds rôles : manque d’audace, de confiance en vous… ou manque de propositions ?

Olivier Saladin : Je n’ai pas d’explications. Je n’ai peut-être pas une personnalité assez forte pour le cinéma qui est aussi une affaire de rencontre, et les gens de cinéma ne vont pas beaucoup au théâtre. De plus, au cinéma, il faut une autre rencontre : celle d’un acteur et d’un rôle.

Vous êtes pourtant un médecin légiste tout à fait crédible à la télé. Vous jouez aussi des personnages du milieu hospitalier dans votre création au théâtre, sur un texte de Daniel Pennac*. La médecine est-elle pour vous une vocation manquée ou bien êtes-vous hypocondriaque ?

Olivier Saladin : J’ai arrêté l’école en 5ème. J’ai fait plein de petits boulots. Il y avait un cours de théâtre dans ma ville. Je m’y suis inscrit et ça a marché. J’aimais bien cette façon de communiquer. Si le personnage du médecin a beaucoup inspiré les auteurs, je crois que c’est dû au fait que ces derniers sont des observateurs affutés de la société. Ils en sont un bon thermomètre parce qu’ils rencontrent intimement un public large et qui se trouve dans des situations difficiles.

À qui vous observe « dans le civil » viennent les qualificatifs de « modeste » ou « timide ». Vous faut-il endosser une autre identité, celle d’un rôle à jouer, pour vous libérer ?

Olivier Saladin : Probablement. Les acteurs sont finalement des gens assez modestes. Cette modestie est normale et nécessaire dans ce métier. Le doute m’intéresse. Il va avec cette modestie. C’est violent de monter sur scène. Les Premières surtout, j’ai le trac parce qu’on ne sait pas comment la pièce et votre interprétation vont être reçues. Je prends, moi, comme une générosité chez l’acteur de se laisser ainsi découvrir par les autres. Même les grandes stars sont, je crois, dans cette souffrance.

« Quand on vit dans le laid, on pense laid » avez-vous dit. Parlons donc de l’acteur dans la cité et de votre attachement à la région rouennaise ainsi que de votre implication associative locale sur la lutte contre la pollution visuelle de nos villes et campagnes.

Olivier Saladin : « Sans Paris, on n’existerait pas » pensent beaucoup de gens autour de moi ! On peut être acteur en habitant la province. J’ai voulu, je veux, faire cette démonstration. Et j’y parviens ! Je fais par ailleurs partie de l’Association « Paysage de France », devant ce constat que tout s’est peu à peu enlaidi dans notre environnement par un envahissement visuel insidieux de la pub, cette industrie qui s’est, ni plus ni moins, emparée de l’espace public. La page blanche n’existe plus dans nos paysages. Pas un endroit où se promener sans une image, un ordre, une direction à prendre… ! À quoi rime de mettre un panneau « attention chevreuil » lorsqu’une route traverse une forêt !? C’est une évidence ! Il y a une laideur objective. Tant qu’on ne l’a pas montrée, on n’est pas compris. Et ce que je dis pour le « laid » vaut pour le « beau ».
Nos politiques ne font pas le boulot de pression sur ces « fauteurs de laid. » Ils cèdent souvent au chantage sur l’emploi. L’associatif comme le syndicalisme doivent permettre aux citoyens de manifester leurs désaccords au point, non seulement d’être entendus, mais écoutés !

Propos recueillis par Pierre Corneloup

 

Un portrait d'Olivier Saladin par France 3 Normandie où il vit

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