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L'espace, un nouveau champ de bataille. Par Jean-Paul Baquiast

Traditionnellement l'espace était considéré à l'unanimité par les différents États comme un domaine où la coopération internationale s'imposait. Mais les stratèges ne le conçoivent pas ainsi. Jean-Paul Baquiast, ancien haut fonctionnaire, spécialiste des technologies de l'information, nous livre ses inquiétudes sur la privatisation et la militarisation de l’espace.

L’entente s’imposait qu'il s'agisse de l'espace proche, dit orbital, de l'espace accessible par l'homme constitué des planètes proches de la Terre, comme la Lune et ultérieurement Mars, ou de l'espace profond, celui du système solaire et au delà, actuellement inaccessible pour des engins portant des humains et où seules peuvent pénétrer des missions scientifiques.

L'exemple le plus évident de coopération internationale est la Station spatiale internationale SSI. Si en pratique ceux l'utilisant sont en majorité américains, des Européens y séjournent de plus en plus. De même, si des Russes ou Chinois désirent la fréquenter, ils sont jusqu'à ce jour bien accueillis.

Cependant, cette philosophie a déjà été largement abandonnée du fait de la mise en place de satellites militaires provenant des grandes puissances et se livrant à des activités exclusives comme l'observation et les communications stratégiques. Il n'est pas exclu que certains de ces satellites soient armés, pour se défendre contre d'éventuelles attaques ou pour s'y livrer eux-mêmes. D'ores et déjà une militarisation complète de l'espace est devenue une réalité dont les grandes puissances ne se cachent pas. La mesure la plus emblématique à cet égard est la décision récente de Donald Trump de mettre en place unU.S. Space Commandqui regroupera des forces fournies par les différents commandements militaires.

Il est probable que la Chine mettra prochainement en place de son côté un tel organisme. Certains stratèges chinois n'ont pas caché que la future station lunaire que prépare leur pays aura des objectifs principalement militaires. La recherche et l'exploitation d'éventuelles ressources lunaires que permettra cet équipement ne se fera pas au bénéfice de toute l'humanité, mais dans un premier temps au profit des forces armées chinoises.

Privatisation de l’espace

Aux États-Unis, la privatisation de l'espace, au bénéfice non des militaires mais des firmes travaillant principalement pour la défense, a déjà été admise par leSpace Act de 2015. Elle deviendra de droit commun dans le cadre d'un texte en préparation, dit American Space Commerce Free Enterprise Act. Il en résultera que l'espace ne sera plus nulle part conçu comme un environnement global commun, mais comme un domaine d'appropriation au bénéfice des activités commerciales américaines. Cela impliquera que comme tel, il pourra être défendu par des moyens militaires contre des entreprises industrielles et commerciales étrangères.

Ceci ne manque pas d'inquiéter les spécialistes de l'espace, aux États-Unis comme ailleurs. Ainsi qui prendra en charge l'élimination fort coûteuse des dizaines de milliers de débris qui encombrent désormais l'espace orbital ? Qui portera secours à des astronautes en difficulté, sans tenir compte de leur nationalité, comme le droit traditionnel de la mer l'exige depuis longtemps pour sa part ? De même, les futures stations spatiales seront-elles nationales au lieu d'être internationales comme l'actuelle SSI. De ce fait, elles seraient réservées aux nationaux, au mépris de toute coopération scientifique.

Au détriment de l’intérêt général

On voit mal, dans ces conditions, comment d'ambitieux programmes spatiaux s'étendant sur plusieurs décennies, et nécessitant des financements considérables et une coopération internationale désintéressée et continue, pourraient être décidés. Il en sera ainsi, par exemple, de l'établissement de colonies humaines sur Mars.

La situation sera d'autant plus inquiétante que le nombre des États manifestant des ambitions spatiales ne cesse d'augmenter, sans pourtant afficher une volonté de joindre leurs efforts. Outre les États-Unis et la Russie, les prétendants comptent désormais parmi eux la Chine, comme indiqué, l'Inde, le Japon et les membres de l'Agence spatiale européenne, notamment la France, l'Allemagne et l'Italie. Bien d'autres sont également candidats. Il faut aussi mentionner des entreprises capitalistes internationales essentiellement américaines tel que SpaceX. Elles travailleront essentiellement au bénéfice de leurs actionnaires.

Or il faut bien voir que si l'humanité acceptait de considérer l'espace comme un futur domaine, non seulement de guerre mais de compétition économique, les dégâts en résultant mettraient en péril l’humanité et probablement toute vie organisée sur Terre. Les Martiens, s'il en est, ne s'en plaindront pas.

 
 Jean-Paul Baquiast est Contrôleur d'État à la retraite. Animateur de deux sites : www.admiroutes.asso.fr et www.europesolidaire.eu.
Le site www.automates-intelligents.com, essentiellement consacré aux questions scientifiques est toujours disponible. Il a lancé avec un ami une revue trimestrielle ayant repris ce nom, https://www.automatesintelligents.com/

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