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Laurent Berger au secours de la loi Travail

Mercredi, la veille de la journée d’action pour le retrait de la loi Travail, et dans le contexte d’une violente campagne contre les grévistes et la CGT, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT déclare au Parisien : «Retirer la loi Travail serait inacceptable». Décryptage des arguments qu’il invoque.

Un soutien qui vient à point nommé à un gouvernement qui veut imposer sa loi par la force. Une attitude ou une posture pour le moins inacceptable pour un dirigeant syndical, quoi qu’il pense des motivations qui mobilisent sept syndicats contre le projet gouvernemental.

« Renoncer à cette loi serait renoncer à tous ces nouveaux droits »

Selon lui le gouvernement n’est qu’en partie responsable de la contestation qui gagne le pays. Il avance un argument utilisé chaque fois qu’un projet passe mal dans l’opinion : « une absence de pédagogie », le gouvernement « n’aurait pas assez explicité tous les nouveaux droits qui étaient ouverts aux salariés (…) » et il ajoute « Renoncer à cette loi serait renoncer à tous ces droits ». Argument non recevable car les syndicats qui demandent le retrait de la loi demandent dans le même temps que des négociations soient ouvertes pour un nouveau code du travail. Cette démarche responsable permettrait aux syndicats et à la CFDT de défendre ces nouveaux droits.

Quand à mettre au compte du pouvoir de négociation de la CFDT les améliorations du projet, c’est « oublier » l’engagement de millions de salariés, les 1,4 million de signataires de la pétition contre la loi Travail, les manifestations, les journées de grève et les Nuits debout qui ont très certainement compté dans les reculs du gouvernement.

Tout responsable syndical et les élus du personnel savent qu’une bonne négociation s’obtient toujours quand les salariés sont mobilisés sur leurs revendications. Et ce ne sont pas les qualités de négociateur de la CFDT qui ont permis aux chauffeurs routiers de conserver contre les dispositions du projet de loi Travail les modalités de calcul des heures supplémentaires qu’ils avaient conquis par leurs luttes.

Sur l’inversion de la hiérarchie des normes

Mais c’est encore sur le cœur du projet que Laurent Berger a le plus de mal à justifier son soutien au projet de loi : la priorité donnée aux accords d'entreprise sur la convention collective ou sur la loi. Il balaie avec désinvolture les arguments de ceux qui s’y opposent en les qualifiant de « fantasmes ». « Si la priorité est donnée aux accords d'entreprise, ce n'est pas pour faire moins pour les salariés mais mieux en apportant une réponse plus ajustée et plus efficace. » dit-il. Dans ce cas la hiérarchie des normes, et c’est même pour cela qu’elle a été instituée, permet précisément qu’un accord d’entreprise soit plus favorable aux salariés qu’un accord de branche ou que la loi ! Déduction logique : si la loi Travail veut inverser cette hiérarchie c’est pour empêcher que s’applique ce principe de faveur.

"Les salariés seraient protégés..."

« Même dans ces domaines [l’organisation et le temps de travail, visés par le projet de loi], les salariés resteront protégés par les règles actuelles sans accord majoritaire. ». Qu’en sera-t-il des petites et moyennes entreprises privées de syndicats soucieux de faire respecter le droit des salariés ? Il ne dit rien de la possibilité laissée au patron au cas où l’accord ne recueillerait pas l’accord de la majorité des syndicats, de recourir à un référendum auprès des salariés. Dirigeant syndical, il ne peut ignorer les diverses formes de chantage que peut user un patron pour obtenir un accord majoritaire : menaces de réduction d’effectifs, de licenciements voire de fermeture de l’entreprise.

Le précédent Smart

C’est un cas d’école que la loi dite Travail généraliserait : CGT et CFDT, représentant 53 % avaient rejeté l’accord proposé par la direction d’un retour aux 39 h payées 37h, au nom de la compétitivité. La direction, après avoir menacé de fermer l’usine si elle n’atteignait pas ses objectifs de compétitivité, a alors organisé un référendum qui a obtenu l’adhésion de 90 % des salariés. La porte-parole de la CFDT avait déclaré : "Terroriser le personnel pour arriver à ses fins n'est pas glorieux". Amnésie ou mensonge par omission ? Laurent Berger, qui le jour des manifestations du 26 mai s’exclamait dans le journal La Provence : « La CGT doit cesser de mentir » sans en apporter la moindre preuve, devrait mesurer des propos qui s’applique en l'occurence à lui, la preuve par Smart à l’appui.

Peut-il ignorer les risques de division des salariés dans une même entreprise, de concurrence entre les entreprises pour le moins disant salarial qui tirerait tous les salariés d’une branche vers le bas ?

Un tel dispositif génèrerait de graves inégalités de traitement des salariés d’une entreprise à une autre, une injustice généralisée. Ce qui n’empêche pas Laurent Berger, après l’évocation de « la précarité et des difficultés vécues par les salariés » d’affirmer que « La loi El Khomri est faite pour corriger ces injustices (…) » !

« Je n'ai pas peur des vociférations de l'extrême gauche »

Et pour finir, coup de pied de l’âne, à une question sur la détermination de la CGT, il répond « Je n'ai pas peur des vociférations de l'extrême gauche, quels que soient ses porte-voix ». Il insinue sans la nommer que la CGT « préfère miser sur l'extrême gauche en lui accordant une place surdimensionnée à un moment où par ailleurs le FN prospère (…)».
Passons sur l’accusation, elle aussi récurrente d’extrémisme, mais peut-on à ce point mépriser ce fait que l’extrême droite prospère sur les dégâts causés par les politiques d’austérité, le chômage et l’injustice qui frappent notre pays et l’Europe depuis des décennies ? Un mouvement social revendicatif comme celui que nous connaissons est au contraire de nature à faire reculer l’influence d’une formation politique qui se nourrit du mal-vivre et de la désespérance d’une partie du monde du travail.


Le moins qu’on puisse conclure en lisant Laurent Berger est qu’il n’est pas certain qu’il soit un aussi bon soutien au projet de loi Travail du gouvernement. Sa plaidoirie tendrait plutôt à conforter la mobilisation des salariés et de la population pour le retrait du projet de loi et pour une négociation sérieuse d’un Code du travail du XXIe siècle.

Rendez-vous le 9 juin avec les retraités et le 14 juin tous ensemble !

Pascal Santoni

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