Outre-Rhin, l’évolution des pensions a pris une dimension si dramatique qu’elle nourrit un débat public de plus en plus virulent. Pour faire face,Wolfgang Schäuble propose la retraite à… 70 ans.
De plus en plus de salariés allemands sont menacés de sombrer dans la misère, une fois atteint l’âge de la retraite. Dès aujourd’hui, quelque 17 % des retraités (3,4 millions de personnes) vivent sous le seuil de pauvreté. Et toutes les études prospectives alertent sur l’aggravation « inéluctable » du processus dans les prochaines années. Les réformes de l’ex-chancelier Schröder au début de la décennie 2000 font ainsi l’effet de bombes à retardement sur les revenus des seniors.
L’introduction d’une dose de privatisation (retraite Riester, 2001) et un mode de calcul du montant des pensions indexé sur la démographie (2004) font chuter, d’année en année, le niveau des retraites. Le taux dit de remplacement (rapport entre la pension et le salaire net perçu antérieurement) se situe d’ores et déjà à moins de 48 %. Et les projections les plus optimistes le ramènent à 43 % en 2030.
Dans un pays vieillissant, la question soulève les plus grandes inquiétudes et se hisse tout en haut du débat public à l’approche des législatives de l’an prochain. Pour le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, il n’y aurait pas d’autre solution que de reporter à… 70 ans, l’âge légal de départ à la retraite, déjà repoussé de 65 à 67 ans.
La question empoisonne un peu plus les relations, déjà passablement tendues sur le thème des réfugiés, entre la chancelière Angela Merkel et le ministre-président de Bavière, Horst Seehofer. Le patron de la très conservatrice CSU bavaroise cherche à se démarquer de Berlin sur ce terrain là aussi faisant assaut de démagogie pour se prémunir d’une nouvelle percée de l’Alternative pour l’Allemagne (extrême droite).
Dès aujourd’hui une personne « type », au salaire mensuel moyen de 2 500 euros net, ne perçoit plus des caisses légales de retraite par répartition que 1 200 euros. Et les promesses de la retraite Riester, qui devait lui permettre de s’assurer un complément décent, sont loin d’être au rendez-vous. Le krach financier de 2007-2008 a laminé son épargne et les taux d’intérêt très faibles d’aujourd’hui ne lui permettent pas de la revaloriser. On y verra, au passage, les causes des récents éclats de Schäuble contre la politique monétaire jugée trop « laxiste » de Mario Draghi.
Quant aux millions de personnes précarisées, aux carrières incomplètes, ayant dû jouer de « jobs » exonérés de « charges » sociales, c’est pour elles la certitude de plonger dans la misère. D’autant qu’elles furent, elles, dans l’incapacité de se payer la moindre retraite complémentaire privée. Ce délitement programmé s’annonce ainsi très lourd de lendemains politiques redoutables.
Bruno Odent
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